Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 28–Les poèmes de Najib Bendaoud : 28 -10 : En soutane rouge 4 avril 2019 Najib Bendaoud L’étoile a effleuré ce soir mon air Elle a dorloté mes lèvres amères L’étoile a câliné ce soir ma terre Elle a étreint mes lieux verts Elle s’est posée quelques instants Sur mes pierres asséchées L’étoile a purifié mon désir affolé Elle a décapé l’angoisse de mes temps Elle est venue épurer ma déraison Elle m’a chanté sa raison Mes mains tremblaient d’amour Mon ventre vibrait de désamour Demain les vents attristés me parleront De cette peine qui habite ma naissance De cette haine qui loge mon existence Rien depuis ton arrivée ne peut joyeusement Etre l’obsession de mon hors la vie J’ai vu lors de mes soirs anéantis Tout le jaune de mes feuilles en décadence Toutes les tares d’un enfant sans danse Et à la fin de mon mouvement hâtif Je trébuche le long de ce chemin affreux Je me nourri d’un vilain esprit Tels les corbeaux de mon pays effrayant La nuit n’est plu amoureuse de sa lune Et les serpents remplissent mon musée terrible Et mon verre horrible Et toute la terre s’offre à mon cheval périlleux Et toute ma conscience danse au vent de monvent L’amour, la mort, la douleur Un instant brutal Un moment brûleur Ma cigarette rit Son feu sourit Mes pieds froids et ahuris Ton rêve n’est qu’un nuage affaibli M’a-t-elle dit Tu as mangé toutes mes lèvres Et après ! Tu as lunché tous mes seins Et alors ! Tu as creusé un trou dans mon corps Et puis ! Tu as besoin d’un enfer D’une soutane rouge ? Et en fer ? Et un désert ? Trois significations symboliques se sont réunies dans ce poème : celles de la robe ( soutane ) , du rouge et de l’étoile . Et nous employons ici le verbe pronominal à sens réfléchi ” se réunir ” parce que la réunion de ces symboles s’est produite apparemment dans l’inconscient du locuteur donc indépendamment de sa volonté . L’élément le plus central désigné par ce trio symbolique est , sans doute , la robe qui est , à l’origine , l’habit typique de la femme , du fait qu’elle recouvre tout le corps et qui représente donc l’identité sexuelle féminine ( au xvie siècle , le mot d’origine italienne apparaît en 1550, sous la plume de Rabelais et la forme sottane avec le sens de « longue robe, portée par une femme ». Puis, en 1553-57 sous la forme soutane et le sens actuel de « longue robe portée par un prêtre » chez Du Bellay ) . Et si la soutane était portée postérieurement , comme il est noté ici , par des religieux , c’est sa forme originelle globale qui prime dans l’inconscient humain et la connotation religieuse peut , dans ce cas , dévoiler une notion de tabou liée à l’image du corps féminin . Le second est le rouge auquel se rattache tout un faisceau de sens dont l’énergie vitale , la séduction , la passion et l’attrait infantile . Quant au troisième , l’étoile , il est , par excellence , le symbole archétypal de la destinée humaine . L’association de ces trois symboles révélerait un questionnement intérieur pathétique sur l’identité personnelle et son évolution au cours du parcours de toute une vie , englobant le passé , le présent et le futur (elle est venue épurer ma déraison : présent / elle m’a chanté sa raison – mes mains tremblaient d’amour – mon ventre vibrait de désamour : passé / demain les vents attristés me parleront : futur ) . Et les composantes les plus saillantes de cette identité sont une sensation d’insatiété d’amour innée, une affectivité violente et une personnalité tragique marquée par un sentiment profond de rupture par rapport à l’univers et au destin . D’où ce flot d’affects contradictoires qui déferlent tout au long du texte et qui donnent l’impression d’un être tiraillé entre , d’un côté , un sentiment d’apaisement et de sérénité et de l’autre un désir amoureux fou et une insatisfaction obsédante , entre un accord harmonieux avec l’objet désiré au début du poème et une agressivité presque sadique contre lui à la fin du texte . Ce qui fait , sans doute , l’une des forces de cette âme poétique singulière qui ne cesse de nous émerveiller par ses éclairs d’esprit , car l’équilibre de la personnalité n’est-il pas , dans la logique de la création artistique , synonyme de platitude et de banalité ? 2019-04-04 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet