Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :30–Les poèmes de Rachel Chidiac : 30-4 : Courroux 15 avril 2019 Rachel Chidiac Courroux Ö décembre ! Souffle ! Voici le froid qui point Sur le front des sentiers Ö tonnerre gronde ! Ne crois pas que le printemps Est le spectre du crépuscule Ce sont des broussailles de roses Qui ont fané Ce sont les lèvres de l’aube Qui se sont tues L’envie n’est point un culte Le culte n’est nullement une passion Et la passion, non plus, n’est pas Une fleur qui rend la vie aux cœurs Prépare tes valises ô Temps Rassemble les rêves Qui ont somnolé dans ta trousse Et fuis Sans t’enquérir Sur la mort des ruisseaux Sur des brandons misérables Sans t’enquérir Sur la solitude attristante des oiseaux Sur l’égorgement d’un homme pieux C’est l‘amour qui est devenu Aussi aveuglant que le khôl C’est l’âme qui est une monture Pour une éternité sans sel Qui dure infiniment Fuis ô Temps ! Ne pose aucune question ! Et laisse la gloire A celui qui a réussi L’héroïque exploit De te briser ! Presque spécialisée dans le thème amoureux et tout particulièrement le sous-thème de l’amour platonique à teneur orientale authentique qui se caractérise par la fusion totale entre les deux êtres qui s’aiment , aussi bien spirituellement que corporellement , sur terre puis dans l’au-delà , l’auteure de ce poème se penche cette fois sur un autre thème qui ne lui est pas , en vérité, totalement étranger, celui de la nature , étant donné qu’elle est habituée à aborder le sujet de l’amour sous un arrière- fond romantique .Néanmoins ,le sujet de ce poème paraît être inspiré du moment présent , du fait que le discours de la poétesse y est adressé à décembre. Et le motif de ce choix est , semble-t-il , spontané :l’état émotionnel particulier que ce mois suscite naturellement chez les âmes hypersensibles et en premier lieu celles des poètes .En effet, la locutrice s’élance , dès le début, dans un discours colérique à l’égard de cette période de l’année qui se situe entre la fin de l’automne et le début de l’hiver et au cours de laquelle la nature perd toute sa vivacité et se retrouve dénudée, appauvrie et affaiblie (ce sont des broussailles de roses qui ont fané- ce sont les lèvres de l’aube qui se sont tues – mort des ruisseaux – brandons misérables – solitude attristante des oiseaux ).Mais après avoir déchargé son courroux contre ce cadre temporel relativement restreint ( décembre ) , elle s’en prend violemment contre sa source-mère :Le Temps , passant ,de ce fait, du simple ton romantique au ton existentiel et s’offrant un contexte propice à la réflexion philosophique sur les fluctuations de l’âme humaine et sa condition dans l’univers (l’envie n’est point un culte – le culte n’est nullement une passion – et la passion, non plus, n’est pas une fleur qui rend la vie aux cœurs – c’est l’âme qui est une monture pour une éternité sans sel qui dure infiniment ). Côté style, la poétesse , forte de sa sensibilité esthétique aiguisée , nous a gratifiés , du début du poème jusqu’à sa fin , d’une série d’images attrayantes évoquant un mélange de mélancolie et de colère . 2019-04-15 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet