Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :32–Les poèmes de Mohammed Derkaoui : 32-5:Vers de circonstance 4 mai 2019 Mohammed Derkaoui Mon maître M’appellera un jour peut-être Dans sa demeure féérique Me demandera d’être direct Je devrais lui raconter ses conquêtes! Le pauvre! Aujourd’hui, il est amnésique Mais ce qui l’entoure le panique Il passe son temps au lit Alors que les autres courent et rient Ils n’ont rien à mettre sur le dos Mais quand ils s’enlacent Ils ont chaud Lui, il a froid Même fourré dans ses draps Il veut boire et danser Mais la musique l’étourdit Mon maître sait qu’il n’est plus le même Toutes ses collections murales Armes et dessous de femmes Sentent l’homme fanatique Mon maître est maintenant hystérique Je ne sais plus comment lui annoncer Qu’il n’est qu’une simple marionnette Dont on a fait une vedette Mais je ne suis plus un serviteur Je suis un oiseau qu’on croit chanteur Mon maître sait que je vais partir Il n’ose pas en convenir Il préfère obéir au doute Avant que ma certitude ne le déroute Mais je ne suis plus un vassal Je suis l’écueil d’aval Je chante mes vers de circonstance J’ajuste ma lyre à leurs cadences Dans ce poème narrativisé , l’auteur aborde la question ancienne mais toujours actuelle de la relation entre l’intellectuel créateur et le détenteur de l’autorité politique ( khalifa , sultan , roi , prince , président … ) dans la société arabo-musulmane où le premier a été , en tout temps , réduit au rôle dégradant de serviteur soumis aux caprices vaniteux des maîtres , célébrant sans retenue leurs louanges et fermant les yeux lâchement sur leurs défauts . Pour mettre en évidence cette dualité : maître dominant/ homme de lettres ou artiste dominé , l’auteur du poème relate , à titre allégorique , l’histoire d’un poète qui a été longtemps assujetti à l’autorité fantaisiste de son maître dont il n’use que pour satisfaire ses penchants vers les plaisirs terrestres ( Il passe son temps au lit – Il veut boire et danser – collections murales ) et même ses désirs pervers (collection des dessous de femmes ) sans se soucier de la situation dégradée dans laquelle se débat la majorité de son peuple qui patauge dans la misère noire et le dénuement total (Ils n’ont rien à mettre sur le dos ) .Soudain , un jour , le poète se réveille et décide de briser ses chaînes afin de jouir de sa vocation naturelle de chantre libre de laquelle la société oppressante l’a injustement détourné (mais je ne suis plus un serviteur/ je suis un oiseau qu’on croit chanteur/ je ne suis plus un vassal/ je suis l’écueil d’aval/ je chante mes vers de circonstance/ j’ajuste ma lyre à leurs cadences) . Dans le même objectif, l’auteur saisit l’occasion pour mettre à nu une contradiction qui caractérise la société oppressante : les riches sont malheureux malgré leur opulence tandis que les démunis sont heureux en dépit de leur pauvreté (ce qui l’entoure le panique / il passe son temps au lit/ alors que les autres courent et rient/ ils n’ont rien à mettre sur le dos / mais quand ils s’enlacent/ ils ont chaud/ lui, il a froid). Mais ce réveil s’est-il produit tout seul ou à la suite de la vague de contestation qui ébranle depuis plus de deux ans une grande partie du monde arabe ? Côté style , le poète , et compte tenue de l’orientation narrative choisie pour ce texte , a porté ses efforts surtout sur la mise en évidence des oppositions dont nous venons de parler , préférant , pour la même raison , utiliser une langue simple , presque dénudée d’images recherchées et d’éléments rythmiques ou sonores particuliers à part les rimes ordinaires. 2019-05-04 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet