Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :31–Les poèmes de Didier Hippon: 31-11 : La paroisse du silence(Avec Maïty Freeman)

La paroisse du silence

Celle que je porte à tout moment

Dans la colère, dans la joie

Dans la déception

Vis à vis d’un tel

Dans le pardon de l’autel

Mais aussi dans l’éloge du Très-Haut

A ceux que j’ai perdus

Très bas

Dans la dernière pensée

Dans un dernier Adieu

 

Elle m’interpelle quand tu ne m’entends pas

C’est l’inspiration

Ayant un regard lointain

Dirigé là-haut, dans les nuages

Berçant les songes

L’hommage de l’évasion

Elle respire en moi

Quand je n’étais rien face à ce tout

Hélas, c’est la réflexion

Elle prend une part en moi

Quand je ne me sentais pas

A ma place, sur place

J’étais la reconnaissance

Silence, parle

Silence, parle

Silence, aime

Soupire,

J’erre…

 

Dans un monde ou la parole est reine

Dans ses torrents de phrases

Acerbes ou flatteuses

Aimantes ou haineuses

Le silence s’infiltre

Mettant l’accent sur notre impuissance

Le silence, cette absence

De bruit, de langage,

S’échange sans un mot

Lourd et confus

Perfide et diffus

Un vide oppressant

Maître du quiproquo

 

Dans la paroisse du silence

Existe une autre dimension

Le mental trouve la paix

Que le bruit dissimulait

La méditation offre l’attention

Sans tension ni frustration

Et calmement, loin des tourments

On réévalue nos sentiments

On apprend simplement

A combler l’espace

En se créant sa place

Hors des coulisses

De la scène de la vie

 

Dans la paroisse du silence

J’ai été l’introduction

Et la conclusion

De la pensée

Jadis, j’ai trop ressassé

Etant l’acteur et le spectateur

Silence, tu m’excuses

Tu me pardonnes, si je m’use

A te faire la bise

Quand je me sens visé…

J’ai appris à me taire

J’ai appris à aimer

En silence,

D’un regard

D’un geste

L’amour est le silence des poètes

Au-delà de la recette

Du bonheur

 

 

Les écrits de ce poète guadeloupéen installé à Paris deviennent de plus en plus espacés dans le temps. Ce qui est très normal, vu que l’inspiration n’obéit qu’à ses propres lois .Et plusieurs grands noms de la littérature mondiale ont , d’ailleurs , connu ce phénomène . Néanmoins, ce poème écrit  à quatre mains avec Maïty Freeman que je n’ai pas eu l’honneur de connaiître diffère totalement des écrits précédents de notre auteur qui s’était , il faut le rappeler , spécialisé jusqu’à un temps très proche dans la prose poétique et le discours  délirant où il  donne libre cours  à ses angoisses d’exilé et à ses fantasmes enflammés  pour dépeindre ses états d’âme de l’intérieur . Du point de vue typographique, ce texte a la forme d’un poème libre, ce  qui est nouveau chez cet auteur qui n’écrivait que les textes prosaïques composés de lignes continues . Quant à la structure thématique,  elle est  façonnée selon la forme classique où les idées se développent logiquement  et s’enchainent clairement du début jusqu’à la fin .Ce qui est nouveau aussi. Le thème choisi , en l’occurrence les dimensions philosophiques du silence ,  n’en est pas moins différent de ceux que traitait notre poète, car c’est pour la première fois qu’il se livre  à  ce genre de contemplation . S’agit-il d’un changement radical qui s’est opéré dans l’orientation du poète ? Ou bien d’une simple expérience circonstancielle passagère née de la rencontre avec une autre personne maniant l’art poétique ? En ce qui concerne le poème en soi , s’il est plaisant à lire et répond globalement aux critères du genre dans lequel il a été écrit ,il n’en demeure pas moins que  le thème qui y abordé  est typiquement romantique et  très fréquent chez  les poètes appartenant à ce courant comme  Vigny ( (seul le  le silence est grand , tout le reste est faiblesse) , Chateaubriand  (  Le silence est un levier d’énergie ), Lamartine ( Mon cœur est en repos, mon âme est en silence ) , Musset (La bouche garde le silence pour écouter parler le cœur ) .Et la place me manque pour  en donner plus de détails .Le poète est  évidemment libre dans ses choix .Mais à mon humble avis , sa vraie spécificité réside dans son style et ses thèmes précédents .