Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 28–Les poèmes de Najib Bendaoud : 28 –16:un temps blanc 10 avril 2019 Najib Bendaoud Des secondes s’étalent en minutes Et les minutes s’amplifient en heures Tout s’attarde dans cette démarche Et mon attente se dénude Et ma passion se vide De son temps avide Trop de distance habille mon envie De toucher ses coins silencieux Trop de silence rempli ma balade Morne et sans sens Ma musique se cache derrière un mur Ma fenêtre se jette fatalement Dans les bras d’une incertitude morne Toute ma chambre fatiguée S’emballe poétiquement Dans mon insipide désordre Tout mon ventre creux Raconte son indifférence Tous mes sables meurent Au cœur de ma mer Tous les bruits joyeux d’autres fois De ma joie euphorique s’estompent Et sur mes mots orphelins la nuit tombe Des sons boiteux encombrent Mon verre solitaire et tendre Mes doigts ronronnent un dégout Mes pieds froids se déguisent en neige Mes émotions se transforment En accessoires Peut-être pour embellir quelques soirs Mon chat s’étiole Mon chien s’affaiblit Mes yeux se fanent Et mes rêves se rident Et mon voyage se crispe Plus question d’inviter Mes terriens amoureux à ma fête Tout est utopie Tout est joie avortée Comment pourrais-je alors Offrir le sublime à ton hymne ? Mon aube à ton aube ? Ma rime à ton ode ? Je te sens partir seule ailleurs Sans le sonnet de mon rêve Sans le chant des lèvres de mes lèvres S’applique impeccablement à ce poème la notion d’hypogramme telle qu’elle a été formulée par le linguiste français Michael Riffaterre(1924 – 2006) et selon laquelle un texte poétique est conçu de telle manière qu’il répète , sous différentes variantes, un même invariant qui est le noyau sémantique du texte. Cet invariant , qui est ici clair et net , est un état de déprime prononcé et tellement profond qu’il a engendré un discours délirant où la même idée ou , plus exactement , la même sensation est reprise incessamment par le sujet / auteur et de bout en bout mais sous des formes extrêmement variées et dont la plupart sont des images connotant des changements radicaux apparemment brusques qui ont fait passer le locuteur d’un état resplendissant , florissant et équilibré à un état terne , appauvri et dépressif ( mon attente se dénude/ ma passion se vide de son temps avide / ma musique se cache derrière un mur/ ma fenêtre se jette fatalement dans les bras d’une incertitude morne / mon chat s’étiole /mon chien s’affaiblit/ mes yeux se fanent / mes rêves se rident / mon voyage se crispe … ). A ce grand effort très soutenu au niveau de la métaphorisation , s’ajoutent le ton plaintif émouvant qui accompagne le lecteur tout au long du texte et le rythme effréné produit par l’accumulation de phrases d’une même structure introduites par l’un des deux possessifs “mon ” et “ma ” et composées d’un syntagme nominal sujet suivi d’un syntagme verbal à verbe pronominal réfléchi . Et le tout a contribué à donner un poème lyrique de haute tenue artistique, ce qui n’est pas étonnant de la part d’un poète qui s’est spécialisé ou presque , et depuis longtemps , dans la poésie amoureuse et dont les écrits sur ce thème se caractérisent par une singularité originale puisée généralement dans le patrimoine mystique . 2019-04-10 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet