Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 28–Les poèmes de Najib Bendaoud : 28 – 12 : Anaruz 6 avril 2019 Bendaoud Elle m’a tout livré hier soir Son âme, son désespoir Et son bel espoir Même ses lieux les plus sombres Même les couleurs profondes de son regard Même la joie intense de ses mots rebelles Et mes mots se sont tus De peur d’effrayer l’élan de sa voix Pas du tout dérisoire C’était une belle danse D’une belle histoire Elle m’a parlé de son sourire et de l’océan Et de ses vagues habitant son cœur D’un tourbillon transparent Logeant le fond de son fond Elle m’a décrit aussi hier soir Sa larme trainant sur les rives de ses joues Et de son bonheur évanoui Qui n’a jamais cessé d’orner sa mémoire Et du coup, ma déchéance s’estompa Et dès lors mes mots se sont réconciliés Avec les lumineuses ruelles de l’amour Et puis, son silence ne me fait plus peur Hâbleuse soit elle Silencieuse soit elle Je devine la trajectoire de sa foire Je l’attends, enfin j’attends son espoir Toutes les nuits aveuglées d’amour Tous les jours quand elle se faufile Loin, loin, loin très loin De mon rêve fou De sa peau rebelle De l’extase de ses ailes De ses pas onduleux De ses cris fabuleux De ses lèvres capricieuses De ses seins mouvants Elle aime l’expression corporelle Et moi j’aime son corps ondoyant Nous nous trouvons dans ce poème narrativisé devant un discours ( celui du locuteur ) rapportant dans sa première partie au style indirect (elle m’a tout livré hier soir – elle m’a parlé de – elle m’a décrit ) un second discours de type amoureux confessionnel ( celui d’une belle-aimée ) puis le faisant suivre jusqu’à l’ultime vers par un long commentaire analytique où ce locuteur se confesse lui-même mais au lecteur et non à la personne concernée . A ce jeu subtil par lequel l’auteur fait inverser les rôles : d’abord locutrice / allocutaire ( mes mots se sont tus de peur d’effrayer l’élan de sa voix ) puis locuteur / allocutrice (puis, son silence ne me fait plus peur ), il confie à chacune de ces deux parties les soins de faire son auto-analyse sentimentale (elle m’a tout livré hier soir son âme, son désespoir et son bel espoir même ses lieux les plus sombres même les couleurs profondes de son regard même la joie intense de ses mots rebelles ) …(Je l’attends, enfin j’attends son espoir toutes les nuits aveuglées d’amour tous les jours quand elle se faufile loin, loin, loin très loin de mon rêve fou de sa peau rebelle…etc. ) .De cette façon de structurer le discours deux remarques insolites sont à déduire : la première est que le premier pas qui doit être normalement fait par le mâle est accompli ici par la femelle (A titre d’exemple , Khadija la première épouse de Mahomet qui l’avait demandé en mariage était la seule femme connue dans l’histoire arabo-musulmane à faire le premier pas ), la seconde est que l’homme, bien qu’il partage la flamme de la femme qui lui a avoué son amour (moi j’aime son corps ondoyant ), s’abstient à la lui déclarer . Côté style, le poète nous a gratifiés tout au long de son texte d’une série d’images lumineuses dont quelques unes de création pure telles que ” d’un tourbillon transparent logeant le fond de son fond – sa larme trainant sur les rives de ses joues – mes mots se sont réconciliés avec les lumineuses ruelles de l’amour ” . Félicitations à Najib pour cet énième joyau ! 2019-04-06 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet