Elle s’est faufilée en silence mortel
Entre les lettres de mes mots rebelles
Elle a laissé le gouffre néant
Ronger profondément mon art béant
Elle n’a plus aimé mon exhibitionnisme
Ni d’ailleurs la folie de mon naturalisme
Et avant qu’elle déloge mes « ismes »
Elle s’est éclatée en prismes
Toi le don Quichotte de Tétouan
Et non l’ami de Cervantès
Pauvre toi
Homme du vent
Pauvre toi
Homme lent
Tu n’as pas pu faire ces nuances
Entre les milles couleurs des lentilles
De mes yeux que je t’ai offerts
Lors de la foire de ton lit
Ni d’ailleurs les riches marques
De mes milles et un soutien-gorge
Ni non plus les couleurs déposées
Sur mes lèvres
Signées Dior
Tu n’es qu’un promeneur solitaire
Dans les entraves de ta nature humaine
Qu’un bout d’une terre sentant la mort
Qu’une bribe de corps
Dépourvu
Dépouillé
De notre fête artificielle
Tu n’es qu’une âme survolant
Les cimes de tes semblables ahuris
Un homme pour toutes les femmes
Un regard pour tous les beaux regards
Un sourire pour tous les beaux sourires
Des mots creux piétinant les flemmes
Un fossoyeur annonçant les drames
Va aimer tes arbres et tes oriflammes
D’ailleurs moi ton beau regard
Je n’ai jamais aimé ton calme
Oh toi l’homme immensément bavard
Oh toi l’homme fatalement hagard
Tu as brûlé ton ciel tôt
Tu as abominé la fragilité
De nos baisers succulents
Tu as dénoncé au temps
Mes folles joies d’antan
Tu n’es plus cet homme
Auquel je livrais démesurément
Les nuits de nos nuits
Les danses de mes lèvres
Les chants de ma peau ivre
La folie de mon nombril palpitant
Ce poème qu’on peut qualifier de psychologique est une réponse persuasive aux adeptes de la thèse d’une littérature féminine spécifique selon laquelle seule une femme écrivain est capable de bien dépeindre l’âme des personnes de son propre sexe , oubliant la fameuse réplique de Gustave Flaubert à ceux qui lui demandaient qui est Madame Bovary : ” Madame Bovary c’est moi ” . En effet , l’auteur de ce texte et sans exagération aucune , y a fait étalage d’une connaissance parfaite de la psychologie féminine qui lui a permis d’endosser à merveille la personnalité d’une femme dans le cas précis de l’extinction de la flamme amoureuse chez le bien-aimé . Ainsi , de bout en bout et par la bouche d’une locutrice démesurément choquée et extrêmement intriguée par la disparation énigmatique de la chaleur sentimentale que lui vouait son homme , il décrit les aspects les plus subtils de ce changement vus d’un œil féminin blessé . D’autre part et à la même occasion, il aborde le comportement insolite du mâle humain dont l’imaginaire sexuel est multiple et qui est capable de passer définitivement de l’amour unique à l’amour pluriel sans cause apparente.
Un très bon poème qui répond parfaitement aux critères de ce genre difficile à manier.