Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 26–Les poèmes de Gaëtan Parisi : 26 -25 : Je t’aime à en mourir 1 avril 2019 Gaëtan Parisi Je me suis perdu Dans une prairie d’étoiles. Aujourd’hui l’herbe ne pousse plus. La lumière se couvre d’un voile. Au fond d’un trou J’ai pris place. Je n’ai plus l’audace D’attendre ton retour. Je t’aime à en mourir Mille fois j’ai du le dire Je meurs d’aliénation Fou de ma passion Je tombe Dans la nuit La nuit profonde est ma tombe Je succombe à ma douleur Merci pour le dernier bouquet de fleurs L’amour ne peut vivre Dans les pages blanches d’un livre J’ai pleuré ton absence Ton indifférence Je t’ai offert ma soumission Jusqu’à la déraison Alors je pars Puisque tu es partie J’assume la déshérence L’errance J’endosse la veste de coutil De l’exil Il me mène à l’opposé De là où il est bon d’exulter Face au jet ondulant Du désert blanc Je n’entends plus le vent Le froissement de l’océan Le murmure des arbres géants Légers comme les vagues du firmament Je n’entends plus la houle De pleine mer Qui roule Roule Roule Avec le souffle de l’air Sous un ciel indifférent. Mort Je vis Le sceau invisible du temps Il cerne mes pensées Il calme mes baisers Il panse mes plaies Voilà le sort Du corps. Rester sourd Aux crevasses du cœur. Le ciel se voûte Avec les fantômes de la matière L’âme écoute Ces silences de terre Dans ce cimetière humain Où est le chemin Ma route s’arrête Entre rien Et rien Je suis ankylosé De fantasmes De rancœurs De regrets Noyé De miasme Je me souviens Enfin Non plus de nos bavardages Non plus de ta jeunesse Non plus de ton visage Ni de tes caresses Seulement Je me souviens D’une blessure Un goût de neige sûre Un vol de corbeaux Un barbelé sur ma peau Surpassez votre phobie du néant Ne laissez pas les questions s’éteindre en dedans L’être aura accès aux prothèses de l’oubli Aux antithèses de l’ennui J’ai entendu les prières des sages Légères comme le taffetas des songes Voler jusqu’à mon trépas Pour ressusciter mon pas Pour raviver ma foi En toi Que je ne connais pas L’amour est une formidable énergie Qui tue Et puis redonne la vie Je dois gravir les montagnes Serrer des mains dans la rue Me hisser hors du crépuscule Mon âme bascule J’atteins Le secret divin De la résurrection L’aube est magnifique J’entends des cantiques Les anges s’habillent de couleurs Je respire l’éther du bonheur Le ciel est clair L’éclair Le soleil M’inondent de lumière Le vin coule des aiguières Bonjour Je t’aime à en mourir Comme nous l’avons dit à plusieurs reprises dans nos commentaires sur la poésie amoureuse, l’amour appartient à la même zone de la psyché humaine que la mort et la folie. Pour cette raison, rien d’étonnant de voir ce trio évoqué côte à côte dans ce poème (Je t’aime à en mourir – Fou de ma passion).Et pour saisir cette association apparemment insolite, rappelons que Freud a démontré le lien étroit entre l’amour et l’instinct de mort, du fait que ce dernier crée dans le corps humain une sorte de nostalgie voluptueuse de son origine lointaine :la terre .Ensuite , il a en commun avec la folie une grande part d’irréel et de fantasmagorie. De ce fait, on ne peut parler de vrai amour s’il n’est pas « fou » , sinon il ne peut être que de l’admiration ou de l’amitié ou même un égoïsme camouflé. Et ce caractère déraisonné est d’autant plus fort lorsque l’amour est unilatéral, soit dès le début, soit à la suite d’une rupture d’un seul côté, comme c’est le cas dans ce long poème où l’accent est intensément mis, par le locuteur lui-même , sur l’ébranlement qui a touché son dispositif affectif , à cause du départ définitif de sa bien-aimée (Tu es partie ). Ceci, en bref, est le noyau sémantique duquel a été généré le texte. Quant à la façon avec laquelle le poète l’a traité, il a usé de deux procédés concomitants : le premier est la division temporelle de son état d’âme et d’esprit en deux phases opposées (l’abattement à l’avant-mont / le bien-être à l’après-mort ) et le second est l’amplification à l’extrême de ce même état au cours des deux phases , tout en déployant de grands efforts de métaphorisation, du début du poème jusqu’à sa fin , nous gratifiant de belles images telles que ( Je me suis perdu dans une prairie d’étoiles – Face au jet ondulant du désert blanc -le murmure des arbres géants légers comme les vagues du firmament – Rester sourd aux crevasses du cœur. le ciel se voûte avec les fantômes de la matière…). 2019-04-01 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet