Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 26–Les poèmes de Gaëtan Parisi : 26 – 22 : Et moi je serai ton confident 14 mars 2019 Gaëtan Parisi Après toi Mes larmes ont changé de couleur. C’est le sang de mon cœur Qui coule sur mes joues. Tu entends? Le cri de ces rivières, Elles étouffent sous le poids de mes paupières. Mes paupières en arc brisé Ont fermé à jamais mon regard ruiné Ont vidé mon âme de son essence Sans délicatesse. Sang qui se déverse Sous mes pieds ,le sol devient un fleuve de détresse, Un lieu sans vie, Qui détruit, Désunit La terre et les racines du saule Ta main sur mon épaule. Cette acrimonie S’épanche en symphonie Non ce n’est pas une eau bénie Mais une mer en furie Une mer charriant l’espoir Vouée au désespoir Qui est la proie sans remord Du vent impétueux de la mort Alors elle se ramasse en collines de brume Pour fustiger les rivages maudits de ses fouets d’écume Elle se débat d’une rage violente Comme le chagrin qui me hante Hier encore Lorsque tu m’entendais Soupirer et me plaindre à peine Tu pleurais Aujourd’hui tu me fais pleurer Et ton absence me peine Il me reste nos souvenirs Au parfum sans avenir Un corps mutilé de mille crevasses Alors que les vagues s’enlacent Et passent sur l’encre de nos espaces Vastes Où nos traces s’effacent Se dessinent S’effacent Se dessinent Trépassent Après toi Pour toi Une onde intrépide Renaîtra Se libérera Et dévidera Son écheveau turpide Pour un nouvel océan Un océan aux perles de printemps Enfantant une lumière retrouvée Ta destinée Alors se baigneront dans ces eaux Caressant ta peau Les étoiles des nuits sombres La lune en son plein Fera tisser un sarrau d’argent Qui te couvrira comme une ombre Et moi je serai son confident Comme la plupart des écrits précédents de cet auteur qui tournent autour du thème de la rupture amoureuse, ce nouveau poème confirme son appartenance à la catégorie des poètes dits “à expérience” c’est-à-dire ceux dont l’écriture émane de préoccupations constantes. Et l’une des particularités de cette catégorie est, qu’au lieu de se chercher à l’occasion de l’écriture de chaque texte , ils vont toujours tout droit au but, étant donné qu’ils connaissent parfaitement la raison qui les pousse à écrire et s’assignent, avant même l’accomplissement de l’acte de l’écriture, des objectifs bien précis .Cette raison est ici encore une fois claire et nette (Ton absence me peine/ Il me reste nos souvenirs/ Au parfum sans avenir).Et le but recherché par le poète n’est autre que d’atténuer les effets douloureux du choc qu’il a reçu, par l’extériorisation des blessures que sa bien-aimée a occasionnées à son âme .D’où le caractère compensatoire de ce poème comme la plupart de ceux qui l’ont précédé. Il en est de même pour les effets du choc que lui a causé la rupture , lesquels prennent , comme d’habitude, l’aspect d’un ébranlement violent du système émotionnel (Après toi /Mes larmes ont changé de couleur./ C’est le sang de mon cœur/Qui coule sur mes joues – Mes paupières en arc brisé/ Ont fermé à jamais mon regard ruiné – Ont vidé mon âme de son essence/ Sans délicatesse./ Sang qui se déverse/ Sous mes pieds, le sol devient un fleuve de détresse,/Un lieu sans vie,/Qui détruit). Mais si le scénario est le même, on a le droit de se demander quelle nouveauté apporterait ce poème ? En réponse à cette question, disons que comme chez tous les poètes “à expérience” , l’innovation ne touche pas les sens à exprimer mais les modes de leur expression .Ne rencontrons-nous pas, en effet, chez Baudelaire, par exemple, à chaque détour dans le même texte, l’idée insistante et récurrente de « spleen » mais que les capacités imaginatives du poète conçoivent sous une multitude d’images toujours renouvelées ? Dans ce poème aussi, l’auteur a tissé toute une trame de remous successifs dont chacun en génère un autre ( les yeux font couler les larmes > les larmes cèdent la place au sang > le sang devient un fleuve > l’acrimonie s’épanche en symphonie > la symphonie se transforme en une mer en furie > cette mer est agitée par le vent de la mort > ses vagues effacent les traces des deux ex-amoureux > une onde naîtra et donnera naissance à un océan lumineux > la lune y tissera une ambiance féerique fait >un courant psychique violent chargé d’affects négatifs de natures variées ( chocs , embûches – phobies… ) traverse, de bout en bout, l’âme endolorie du poètex ).Et même l’image apparemment lumineuse sur laquelle se clôture le poème porte une connotation sombre, du fait que “le sarrau d’argent” dans lequel la lune enveloppe l’ombre de la bien-aimée s’apparente clairement au linceul . D’autre part, l’ombre a toujours un sens négatif, du fait qu’elle symbolise la partie sombre de l’individu, celle qu’il cherche à tout prix à dissimuler .Et le rôle de confident que le locuteur s’est attribué, tout à la fin de son discours, s’accorde bien avec ce sens de l’ombre parce qu’il est le seul à connaître les méandres cachés de la personnalité de son ex-amoureuse. Côté style, enfin, c’est justement de cet effort très soutenu de métaphorisation que le poème tire son originalité et trouve sa place parmi l’ensemble des poèmes de l’auteur qui gravitent autour du même thème sans le moindre risque d’en calquer un. Encore un joyau Gaétan! Continue à nous épater ! 2019-03-14 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet