Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 28–Les poèmes de Najib Bendaoud : 28 – 3: Mes papiers blancs 13 mars 2019 Najib Bendaoud Des fragments d’un espoir s’effritent Le long d’un sentier insolite Des feuilles mortes truffent ma nature Des morts verts épuisent mon élan La nuit n’a plus besoin du jour La lumière devient tarissable Et mon temps me propose la chute Mes pieds froids discrètement Me parlent de leur amertume Tous mes papiers blancs décrient leur vide Quelques livres de toutes couleurs Dénigrent fatalement leur solitude La terre sombre déclenche sa guerre Mon chat blanc ne joue plus Mes cigarettes s’excitent follement Sur le bout de mes lèvres abolies Mes temps s’étouffent silencieusement Plus de chants, plus d’extases Mes veines ne peuvent être allumées Comme ça dans le vent de ton vent Elles ont leur imbécile identité Têtues comme la pierre de mon histoire Farfelues comme le sérieux de ton noir Mon cœur s’est vidé de toi Toi ce corps que j’admirais Nonchalant, habitant Les soirées fades et désolantes Des souris dans mon ventre crient Des tas de pauvres questions occupent Abusivement mon espace délirant La nostalgie couve ma tête Le désir d’un oubli absolu Harasse désormais ma fête Mes mots se cognent entre eux Mes bouts de lumière se heurtent Contre les murs insondables Des passions s’érigent en morts Des rêves s’expirent doucement Un tas de chants s’éteignent Et le froid s’installe au creux De ma douleur mortelle Toutes les couleurs se sont mises A pleurer mon estime fatale Et les oiseaux se sont tus Chuchotant le vide de mon âme La nuit où s’est glacée ma flamme Où mon sort a épousé mon drame Sa nuit m’a entraîné dans son gouffre Où mon cœur brisé s’essouffle C’est un autre nouveau poème de Najib Bendaoud, l’un des poètes de notre groupe qui se sont presque spécialisés dans le genre amoureux mais dont chacun possède ses propres particularités .Et comme nous le voyons , c’est encore le sous-thème de la rupture qui accapare les préoccupations de ces poètes :Gaëtan Parisi , Wafaa Abid , Patricia Royet … et autres ) .Et la haute fréquence de ce sujet montre la précarité du sentiment amoureux qui peut passer , à tout moment , d’un extrême à un autre . Dans ce poème, l’ambiance dépeinte a toutes les caractéristiques d’un deuil et le point sur lequel a été mis l’accent est l’état d’âme du locuteur ( le sujet qui parle ) qui porte la plupart des symptômes de la dépression .Et en voici les principaux signes tels qu’ils sont décrits dans son discours : la sensation d’une profonde tristesse accompagnée d’une douleur morale et d’un fort sentiment d’impuissance et de perte d’objet , le regard calamiteux porté sur le monde, l’illusion du ralentissement du temps et la perte totale de plaisir et d’intérêt .Ces affects négatifs ont été exprimés à travers une longue série d’images morbides touchant aussi bien le niveau mental que le niveau sensoriel . Sur le premier plan domine un dérèglement aigu né d’une sensation de vide (vide – follement – imbécile identité – espace délirant – le vide de mon âme ) et aggravé par l’idée de la mort (mortes – morts – fatalement – s’érigent en morts – douleur mortelle – fatale ) . Quant au niveau sensoriel , quatre des cinq sens , à savoir : la vision , l’ouïe , le toucher et le goût, y sont touchés. En effet , la vision est marquée par l’obscurité (nuit – la lumière devient tarissable – terre sombre – ton noir – s’éteignent …), l’ouïe par l’absence du chant et par les pleurs et les sons désagréables (plus de chants – chants s’éteignent – pleurer – des souris dans mon ventre crient ) , le toucher par la froideur ( mes pieds froids – le froid s’installe – s’est glacée…) et le goût par l’amertume et la fadeur (fades- amertume ). Stylistiquement , le poète a usé massivement de l’accumulation , en faisant succéder à un rythme effréné un très grand nombre d’images dépeignant l’état dépressif du locuteur .Un autre poème bien réussi .Bravo Najib ! 2019-03-13 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet