Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 26–Les poèmes de Gaëtan Parisi : 26 -20 ; Pierre 10 mars 2019 Gaëtan Parisi J ai vu des ombres folles Des paroles ambiguës Envahir mon sol Une terre devenue exiguë Où il n’y a plus place pour l’amour Depuis que tu es partie en laissant Un mot sur le banc Mon âme a jeté l’ancre Sur le rivage de nacre D’un paradis blanc Ici tout est noir Un noir profond comme un désespoir A quoi bon pleurer Jamais plus je ne composerai Ton nom et le verbe « aimer» Je dois maintenant Oublier ce rêve affligeant Je me chercherai une raison Pour errer dans ce nouvel horizon Je suivrai les chemins les plus tortueux, les plus austères Je soulèverai les plus grosses pierres Les plus improbables Les impalpables J’en choisirai trois Trois Comme les trois ans de notre voyage J’y graverai nos images A l’encre de mes veines Comme si j’étais Verlaine Puis je les lancerai Comme on lance un poème Sur l’onde d’un ruisseau Chaque ricochet laissera un témoignage Un éclat sage Sur le flot de nos âges Qui coule sous le pont de la vie En lançant la première pierre Comme Al-Hajar Al-Aswad*, la pierre noire Je te rendrai la lumière immaculée Je laverai ton corps de toutes les caresses accumulées En lançant la deuxième pierre Comme la Pierre philosophale Je ferai de ton cœur un trésor En or Et tu resteras éternelle En lançant la dernière pierre Comme la Pierre angulaire Je reconstruirai mon devenir Une stèle à l’ombre d’un chêne centenaire Où tu pourras te recueillir En égrainant nos souvenirs Comme les perles de poussière du chapelet de notre vie Finalement je boirai l’eau L’eau du ruisseau Pour qu’elle devienne Source diluvienne Celle qui coulera sur mon repos éternel *Al-Hajar Al-Aswad : littéralement « la pierre noire », est une relique islamique située dans l’angle sud-est de la Kaaba qui se trouve au centre de la mosquée al-Haram de la Mecque en Arabie saoudite. Comme dans la plupart des écrits de cet auteur, le contenu sémantique de ce poème se situe dans la même sphère des retombées violentes de la rupture amoureuse dont il a fait l’axe central de son expérience poétique et sur laquelle il apporte ici une information nouvelle :c’est que cette rupture est survenue après trois ans d’une relation passionnelle (comme les trois ans de notre voyage). Ce qui explique le choc affectif violent et le bouleversement cognitif qu’elle lui a causés et qui se sont répercutés sur ses comportements. Et c’est précisément sur cette composante que se focalise ici son discours , révélant un état d’âme extrêmement déséquilibré marqué par l’adoption de deux attitudes contradictoires : la fuite en arrière qui consiste à s’échapper de la situation infernale dans laquelle il se débat ( dans le poème précédent par exemple ) et la fuite en avant, en continuant à s’attacher à cet amour perdu et en l’éternisant par son enracinement encore plus profondément au fond de lui-même , tout en sachant que sa perte est définitive comme nous le voyons dans ce poème . Sur le plan stylistique, le poète a excellé surtout dans la métaphorisation de cette fuite en avant par l’emprunt des images de trois pierres symboliques : l’une est sacrée , l’autre est mythique et la troisième est fondamentale : Al-Hajar Al-Aswad , la Pierre philosophale et la Pierre angulaire, correspondant aux trois années de bonheur passées avec l’être cher , tout en gardant sa langue au même haut degré de poéticité . 2019-03-10 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet