Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :9 – Les poèmes de Mohammed El Qoch :9 – 10 : Vagues et écumes…! 12 novembre 2018 Mohammed El Qoch Et pourquoi cette larme Déferle-t-elle sur ta petite joue Ô mignonne créature Que le temps turlupine ? Est-ce l’hiver si froid Qui te triture Ou ce regard indifférent Des autres, les autres ? Cachés sous l’humble voile, Tes yeux noirs poudrés de Kohl Scintillent comme des joyaux rares Je contemple souventefois Ce visage serein Et ce sourire d’antan S’éparpillant Si gai, si bruyant, Transportée de joie, papillonnant, Comme l’écho d’un beau zéphyr Eprise de beauté, communément, Sillonnant le ciel, à tires d’ailes, Tu voguais dans le cœur Comme l’hirondelle Je voudrais bien que tu te souviennes De ces beaux moments sur la grève De l’embrun humide qui nous léchait Tu courrais t’abriter subitement Dans ce préau abandonné Dès que l’intempérie murmurait Tu aimais ces geais qui garrulaient, Qui imitaient ta voix cartésienne Tu animais cette étrange aura Tes rires charmants égayaient la place Où seul un banc, l’unique, t’était témoin Je me noie dans tous ces souvenirs De naguère Mélancolique présent Errer d’asile en exil, nonchalant, Je soupire, balbutiant tes mots, Me berçant de vagues et d’écumes Malgré tous les maux Comme dans un rêve qui sourit Brumes fuselées, Un joli refrain Un violon frémit Des chants épars m’étreignent J’étais l’oiseau maudit, Tu étais et le ciel et la branche Où je venais entreposer le fardeau Si lourd, si pesant, Tu l’éparpillais loin, si haut, Que je crus ressusciter, aride, Sur un sable doré, entouré d’anges, Le crépuscule, épais, nous épiait Il était temps… Rentrer… C’est un poème incitatif qui invite le récepteur (lecteur ou auditeur) à l’imagination pour remplir une grande case que l’auteur a laissée délibérément vide , en activant sa faculté de représentation afin qu’il trouve l’ossature de l’histoire :le contexte bien déterminé dans lequel elle s’est déroulée .En effet ,s’il est clair que l’arrière-fond de cette histoire est amoureux ( je voudrais bien que tu te souviennes/ De ces beaux moments sur la grève/ De l’embrun humide qui nous léchait) , la nature de la relation qui lie le locuteur à la femme à laquelle il s’adresse reste, après la lecture du poème , floue et entourée de brume ? S’agit-il de deux ex-amoureux qui se sont rencontrés après une ancienne rupture et que ce contexte inattendu et intensément émotionnel a éveillé en lui souvenirs sans doute beaux (Comme dans un rêve qui sourit/ brumes fuselées,/ Un joli refrain/ un violon frémit/ Des chants épars m’étreignent ) mais douloureux (Je me noie dans tous ces souvenirs/ De naguère/, mélancolique présent/ ,Errer d’asile en exil, nonchalant/, je soupire, balbutiant tes mots/, Me berçant de vagues et d’écumes/ malgré tous les maux) et en elle des regrets et des remords ? (Pourquoi cette larme/ Déferle-t-elle sur ta petite joue/ Ö mignonne créature/ que le temps turlupine ?/Est-ce l’hiver si froid/ qui te triture) ? C’est peut-être la version la plus plausible, bien que rien n’y ait été dit expressément sur ce sujet .Et c’est, sans aucun doute, l’un des principaux traits attachants de ce récit poétisé auquel on peut ajouter la haute charge affective que portent les lieux des anciens rendez-vous , les objets qui y sont rattachés et les faits et petits gestes qui y étaient exécutés (ces beaux moments sur la grève/ De l’embrun humide qui nous léchait/ Tu courrais t’abriter subitement/ Dans ce préau abandonné -tu aimais ces geais qui garrulaient,/ Qui imitaient ta voix cartésienne/ Tu animais cette étrange aura/ Tes rires charmants égayaient la place/ Où seul un banc, l’unique, t’était témoin) .Un autre élément esthétique non moins saisissant est la construction binaire du texte sur la dualité :passé reluisant / présent obscur, par l’usage du flash-back et l’exploitation à fond des connotations inhérentes à chacun de ces deux termes opposés .Ce qui fait de ce poème, sans exagération aucune, comme tous ceux qui l’ont précédé, un véritable événement poétique digne d’être célébré. 2018-11-12 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet