Entretiens de « Culminances » : 6 – Avec le poète irakien Hamdan Taher Al-Maliky 19 septembre 2018 Hamdan Taher Al-Maliky Hamdan Tahar Al-maliky est né dans le département de Misane (Irak ) .Il habite à Baghdâd. Il appartient à la nouvelle génération de poètes irakiens qui ont grandi sous l’ombre de la guerre et ses horreurs et les crises politiques et leurs méfaits. Le poème sous sa plume a toutes les caractéristiques du songe, notamment le pouvoir de traverser les limites de l’espace et du temps et de faire chuter, dans un sens que dans un autre, tout obstacle se levant entre la réel et l’imaginaire, du fait que le réel, de par le haut degré de surréel et d’absurde qu’il a atteint a dépassé de loin l’imagination elle -même .Cette expérience a eu pour effet d’agrémenter son discours d’éclairs artistiques fascinants. Ses recueils de poésie : Un ciel au cœur d’un poète, Editions Hawraa, Baghdâd 2010 – L’odeur du ciel , Editions misr Mourtadha du livre irakien, Baghdâd 2011 –Le palmier du rêve , Editions et librairie Adnène, Baghdâd 2013 –Rien qu’un simple arbre, Editions et librairie Adnène, Baghdâd 2014.Ce que l’obscurité éclaire s’éteint par la lumière, Baghdâd 2017. Question 1 : Malgré la situation difficile que traverse l’Irak depuis près de quinze ans sur les plans sécuritaire, économique et social, vous avez pu publier cinq recueils de poésie. D’autre part, les festivals poétiques de Babel et d’Al-Mirbad ont gardé leur périodicité. Pouvons-nous dire que les crises quelles qu’elles soient n’ont aucun effet sur la poésie en Irak, le pays du grand poète Al Moutanabbi ? Hamdan Taher Al-Maliky : Il n’y a nul doute que les guerres ont de grands et nombreux effets surtout sur le poète parce que c’est lui qui les ressent le plus comme la mort, la pauvreté et la perte des frères et amis. Et comme on le dit : « Une seule balle tue deux personnes ».Mais,le poète n’a aucun autre choix sauf l’écriture par le biais de laquelle il entreprend l’expérience avec tout ce qu’elle comporte de douleur et de souffrance .En Irak, la guerre se poursuit toujours depuis la guerre irako-iranienne en 1980.Et jusqu’à cet instant , les coups de feu ne sont pas encore finis. Seuls les noms changent .La guerre a une grande influence sur les générations qui en ont eu et ont encore conscience. Sans les guerres, l’état de la poésie en Irak aurait peut-être été de loin bien meilleur . Question 2 : Vous êtes un peu plus âgé que les poètes de la nouvelle génération en Irak comme Safaa Dhiab, afiaa Al-Asadi,Mithaq Karim Al-Rukabi ,Abdallah Sarmad Al-Jamil , Abbas Thaiir …mais votre voix ne s’est fait entendre que dans ces toutes dernières années .Quelle est la cause de cette apparition tardive ?Et avez-vous des écrits parus avant la période actuelle ? Hamdan Taher Al-Maliky : Je ne m’étais pas manifesté en tant que poète au début de ma jeunesse pour des raisons sécuritaires et politiques. Je me déplaçais d’un lieu à un autre, de la ville d’Al Ahwaz au sud jusqu’au nord de l’Irak et de là en Jordanie et en Syrie, dans des conditions économiques et sociales difficiles. Et je n’ai aucune publication remontant à cette période . Question 3 : Un accent mélancolique accompagne le lecteur de votre poésie, doublé d’une vision obscure de l’avenir. Cela est-il dû à votre avis, à une humeur innée ou bien il provient des effets des crises successives qui secouent votre patrie ? Hamdan Taher Al-Maliky : Assurément, ce sont les crises qui ont secoué le pays (guerres, blocus, peur ,faim …) qui ont créé toutes ces tristesses et approfondi les blessures du chagrin .De ce fait, l’homme n’est que le résultat du milieu où il vit et où il a été élevé. Et le milieu irakien est un couvoir pour tous les genres de douleur !. Question 4 : La tristesse et le pessimisme constituent presque un trait stable de la poésie irakienne aujourd’hui. Mais dans la Syrie voisine qui traverse aussi une situation difficile à cause de la guerre, les poètes chantent l’amour , la beauté et la vie. Comment expliquez-vous ce paradoxe ? Hamdan Taher Al-Maliky : J’ai vécu en Syrie et je connais bien sa structure sociale et l’homme syrien qui aime la vie et qui la regarde avec optimisme. Historiquement, l’homme syrien n’a pas vécu toutes ces guerres, toute cette cruauté et tout ce sang .Pour cela , on le voit plus enclin à l’optimisme et à la joie.Quant à l’homme irakien , il est condamné à souffrir.Et cela est dû à des causes sociales, politiques et religieuses.A titre d’exemple en Syrie Nizar Qabbani est le poète de l’amour et de la femme, tandis qu’en Irak, Badr Chaker Al-Sayyab , qui était un grand poète avec tout ce que ce mot implique de novation et de leadership , son nom s’est associé à la maladie, la tristesse et la douleur. Question 5 : Il paraît qe des éminents poètes tels que Assayyab, Al – Bayyati et Saadi Youssef n’ont plus d’influence sur ce qu’écrivent les poètes des deux dernières générations en Irak. A quel point peut-on considérer cette thèse comme juste ? Et si elle l’est vraiment ,à quoi est-elle due ? Hamdan Taher Al-Maliky : Oui, ceci est très vrai. La génération actuelle et celle qui l’a précédée se sont libérées de l’emprise des grands noms et se sont mises à écrire d’une façon différente et éloignée de qu’on écrivait avant elles, ce qui est un bon signe pour le paysage poétique irakien , avec tout mon respect pour ces grands noms. Et cette libération est peut-être due à plusieurs causes dont l’évolution effective de la manière dont on écrit le poème et la découverte d’autres expériences qui conviennent à ces deux générations et touchent leur philosophie poétique. Et on ne peut en aucun cas oublier d’autres facteurs comme le temps et les circonstances dans lesquelles ont vécu et vivent encore ces poètes. Question 6 : Est-ce que la liberté dont bénéficie l’intellectuel irakien aujourd’hui après la chute du régime de Saddam Hussein est suffisante pour remplacer la prospérité économique, l’auto-suffisante alimentaire et le rayonnement culturel sur le monde arabe qui marquaient la période précédente ? Hamdan Taher Al-Maliky : La liberté est nécessaire pour tout créateur. Et sans elle, personne ne peut écrire et continuer à créer .Il n’y avait plus de prospérité économique en Irak après 1990 c’est-à-dire après la 2ème guerre du golfe .Aujourd’hui, la situation économique en Irak est , d’une façon générale, bonne mais il n’y a pratiquement aucun aspect d’ordre ou d’état. Ce sont la tribu et la doctrine qui y dominent une. Il y a une ruine totale dont le prix paye le vrai humain ! Question 7 : Quinze ans se sont écoulés depuis la chute du régime de Saddam Hussein sans qu’apparaisse le moindre signe du changement démocratique que les Américains avaient promis aux Irakiens avant leur envahissement du pays. Quelles en sont les causes ? Et croyez-vous que ce changement aura lieu un jour ou bien la démocratie au sens occidental ne concorde pas avec la réalité arabe ? Hamdan Taher Al-Maliky : La démocratie au sens occidental est difficile à réaliser dans les pays arabes et surtout dans un pays comme l’Irak .La démocratie nécessite de la conscience, de la maturité, de la culture et de la tolérance. Vous ne pouvez entreprendre cette expérience dans un pays tribal dont un grand nombre de ses citoyens ne connaissent pas le sens de l’identité irakienne. Je ne crois pas que la situation actuelle qui prévaut en Irak est une expérience qui mènera à une situation meilleure, parce que tout est régi ici par un système politique et religieux défectueux. Question 8 : Quels sont les avantages que vous avez obtenus en publiant vos poèmes sur facebook ? Et avez-vous remarqué de mauvaises pratiques qui portent préjudice à l’art poétique dans cette nouvelle invention qui a conquis le monde ? Hamdan Taher Al-Maliky :L’expérience avec le monde du facebook est pour moi importante, car à travers lui j’ai connu plusieurs poètes et écrivains irakiens et arabes.Il y a des aspects négatifs dans ce monde et surtout ce qui y a trait à a poésie .En effet, on y publie des écrits éloignés de l’essence et du sens de la poésie .Il y a aussi les plagiats et les imitations qui ont poussé plus d’un poète à ne plus y publier leurs textes. Question 9 : Vous suivez depuis quelques années dans cet espace plusieurs poèmes traduits en langue arabe et écrits initialement par des poètes occidentaux. Avez-vous relevé des différences entre ce qu’écrivent ces poètes et les poètes arabes contemporains ? Hamdan Taher Al-Maliky : J’ai la totale conviction que ce qu’écrivent les poètes arabes n’est pas moins important que les écrits des poètes portant d’autres nationalités. La différence réside dans l’atmosphère sociale et politique et dans la stabilité. Il y a sans aucun doute des différences mains elles ne sont pas substantielles des points de vue de la langue, de la musicalité et de l’idée .Mais ce qui importe seulement en fin de compte, c’est l’âme de la poésie et son essence. Question 10 : Quels sont vos projets proches et lointains ? Hamdan Taher Al-Maliky :J’ai un manuscrit de recueil de poésie qui attend d’être rectifié et je ne me suis pas encore décidé quant à son titre. J’ai aussi une autobiographie intitulée Les ombres des roseaux. 2018-09-19 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet