Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :4 -Les poèmes de Calli Mondésir :4 -13: Les houvaris de mon silence tordu 13 mai 2018 Calli Mondésir Vous avez vu sur mon visage Couler des fleuves…des flots Et sur leurs vagues Des flottes d’allégresse Déflorent ses rivages Et y déferlent jusqu’à diverger ses plis Pour laisser éclore des gerbes de sourires Vous avez vu dans ma parole Dormir les mots Et dans leur sommeil Une odeur de mort s’exalte O ! Oui leur domine La fatigue d’être les porteurs Des effluves de l’amertume Vous avez vu mon monde Suspendre son voyage Et chaque lèvre s’entre-soude Et chaque œil s’abrite Derrière son rideau Dans ce silence de sens et de parole Pourtant mon âme crie J’entends chaque bruit Plaindre et gémir Au milieu de cette machine à broyer les mots Quand l’horde s’y dégaine Le vent si sauvage… S’abaisse et emporte sur son dos Les parfums de ces fleurs noires Qui encadrent mon cœur Moi je veux que vos narines respirent Qu’elles reniflent l’air pesant De mon chant révolu J’ai longtemps pleuré sur ma terre J’ai longtemps pleuré sur mon cœur J’ai longtemps pleuré Parce que j’ai bu ces mers amères Que la réalité a versées dans ma coupe de maux Des épines et des herbes sauvages Ont substitué les empreintes des larmes que j’ai versées Mon cœur n’a connu ni jour ni soleil Dans le silence je me regarde vivre mes heures Dans les frontières de l’existence. Bien qu’il soit empreint du même ton plaintif et mélancolique que ceux que nous avions eu l’occasion de lire de cet auteur , ce poème en diffère par l’absence de mise en rapport entre cet état d’âme et des causes métaphysiques ou des forces maléfiques comme il a l’habitude de faire.Tout y est , en effet , centré sur le ” je ” du locuteur et soi-même en tant que sujet descripteur et objet décrit . Ce qui constitue le summum du lyrisme romantique. Sur le plan sémantique , deux grands axes se disputent cette disposition affective : l’un paraissant interne et ayant la forme d’une tristesse profonde, permanente ,sans cause déterminée et que rien n’empêche d’être de nature existentielle (vous avez vu dans ma parole dormir les mots et dans leur sommeil une odeur de mort s’exaltée – j’ai longtemps pleuré sur ma terre / j’ai longtemps pleuré sur mon cœur / j’ai longtemps pleuré – j’ai bu ces mers amères que la réalité a versées dans ma coupe de maux – dans le silence je me regarde vivre mes heures dans les frontières de l’existence … ) et l’autre est sa projection sur le silence auquel le locuteur impute la responsabilité de son mal (Les houvaris de mon silence tordu – dans ce silence de sens et de parole pourtant mon âme cri j’entends chaque bruit plaindre et gémir au milieu de cette machine à broyer les mots ) .Alors qu’il n’en est rien, car cette sensation n’est, en réalité , qu’un moyen de détourner momentanément le cours des affects angoissants ressentis vers une direction illusoire . Ce qui montre le caractère persistant de la mélancolie dont souffre le locuteur. Sur le plan du style, le poète nous a gratifiés d’une série d’images attachantes comme celle-ci : (Vous avez vu sur mon visage couler des fleuves…des flots et sur leurs vagues des flottes d’allégresses déflorent ses rivages et y déferlent jusqu’à diverger ses plis pour laisser éclore des gerbes de sourires.) 2018-05-13 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet