Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :4 – Les poèmes de Calli Mondésir :4 -1: Liberté 12 mars 2018 Calli Mondésir Liberté Ö je t’appelle Je t’interpelle Et j’interprète La musique de tous les cris Pour que tes oreilles Ne se contrastent pas Avec mes râles désespérés N’entends-tu pas Les tchip tchip tchip De la comète Sur les faibles branchettes Aux teints rougeâtres de l’acajou ? Les cocoricos Des coqs sauvages Sur la sérénité Des lueurs prémices ? N’entends-tu pas Les gloussements étouffés Des pigeons voyageurs Dans les buées Touffues des nuages ? Les sifflements Des serpents à sonnettes Au milieu de l’Amazonie ? Les beuglements Des taureaux Dans les prés de la campagne ? N’entends-tu pas Les ronflants Coa-coa-coa Des grenouilles taureaux Sur les nénuphars Des eaux dormantes ? Les zwen zwen zwen Des « marengwen » Dans les judas Entravés des ajoupas ? C’est moi Qui t’appelle ô liberté Car j’ai grand soif Et j’engloutirai L’océan abritant tes versants J’abandonnerai Mon âme Saoule Au fonds de tes coupes Je me perdrai Dans les délices de tes lèvres Comme une flèche Dans le cœur d’une étoile Quand j’aurai A dépeigner tes cheveux A l’ombre Des brises de mer Quand j’aurai A enlever Les jupons frangés De tes robes de reines A te voir fondre Nue entre mes mains Sur les plages De mon île esclave Je me réjouirai Oui je me réjouirai Quand toi et moi Mains entrelacées Fous sourires Cœurs jubilants Allumerons Les torches Sur le visage de la nuit Je me rejouerai Quand Les chaines De mon âme Seront brisées Et je regarderai le ciel Pour crier SÉSAME OUVRES-TOI Qui m’arrêtera De marcher Sur les allées infinies Des océans? De voler Et m’abriter Sous les rémiges Des nuages Qui m’arrêtera De jouer A cache-cache Avec les oiseaux Qui m’arrêtera De dresser Ma maison Loin des silhouettes De vomisseurs de flammes ? D’oiseaux chasseurs Et de saisons Gobeuses de beau temps Qui m’arrêtera De dresser Ma maison Là où La terre n’est plus sableuse Où les chevaux Trouveront De l’herbe à brouter Et où les bois Ne seront Plus d’abris d’hyènes et de loups Ö liberté Mes lèvres ont soif De savourer tes félicités Mon cœur est empressé Et ses battements Dans mon âme Résonnent Comme les pim Et pam des tambours Rythmant la cadence Des «Konbit » Ö si tu savais Comme je désire Y déposer mes doigts fragile Ö liberté viens…viens…viens Ö liberté Mon unique espérance. Dans ce poème , nous avons affaire à une expérience poétique profondément ancrée dans le réel vécu et qui n’est pas née d’un désir brusque et opportuniste de faire la vedette , en enfourchant une révolution sur laquelle on n’a jamais écrit un mot avant son déclenchement et sans posséder les moyens de briller réellement . Ce poète noir de Haïti s’est voué corps et âme à la cause son peuple et de sa race et vit leur condition tragique de tout son être , en en faisant le pivot essentiel de son action littéraire . Et c’est pour cette raison que lorsqu’il parle de liberté , comme dans ce poème-ci , c’est du tréfonds de son esprit et de son âme que ses mots jaillissent tel que nous le constatons à travers ce rythme interne endiablé qui remue le discours du locuteur de fond en comble et que le poète a créé et instauré par l’utilisation massive des onomatopées (tchip tchip tchip – gloussements – sifflements – beuglements – zwen zwen zwen… ) , l’accumulation d’appels et de questions adressés à cor et à cri à la Liberté , l’énumération de toute une série de rêves et de souhaits et par l’usage de structures syntaxiques identiques ou proches (je t’appelle/ je t’interpelle /j’interprète – n’entends-tu pas les tchip tchip tchip/ n’entends-tu pas les gloussements étouffés des pigeons voyageurs / n’entends-tu pas les ronflants coa-coa-coa des grenouilles taureaux…- je me réjouirai quand toi et moi / je me rejouerai quand les chaines / qui m’arrêter de marcher qui m’arrêtera de jouer/ qui m’arrêtera de dresser ) …. D’autre part , notons l’usage de mots du créole local ( Konbit – ajoupa – marengwen -… ) qui a conféré au poème un cachet réellement spécifique . Enfin , si le sujet de la liberté est très commun et a été abordé dans un nombre indéfini de poèmes dans toutes les cultures , son importance capitale de par le haut idéal humain qu’il représente le rend toujours d’actualité et intemporel dans toutes les contrées du monde . Un bon poème Calli .Bravo ! 2018-03-12 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet