Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 2 – Les poèmes d’Alain Minod : 2 – 11: Outils magiques de la pensée poétique 28 février 2018 Alain Minod Tue-mouche pour faire disparaître L’idée noire qui colle à la tête Filet à papillons pour attraper Les idées-fleurs qui volettent Ruche à miel pour canaliser Les idées-désir qui piquent Maison à oiseaux ouverte Pour apprivoiser les idées D’errance sauvage Niche à chien pour amadouer Les idées de territoire Havre d’île en ville pour accueillir Les idées étranges Plumeau pour dépoussiérer Les idées anciennes Arc-en-ciel au panel des couleurs Pour arrêter peur et monotonie Marionnettes articulées pour réduire Les idées moutonnières de violence Miroir aux mille facettes pour faire s’y mirer Les idées de solitude Vases communicants qui chantent Contre les idées d’angoisse Fontaine qui enraye l’idée D’un temps haché par la vitesse Eprouvettes pour chimie Des idées profondes Eau sulfureuse pour brûler L’idée indigérable « Téléphone arabe » Pour lier les idées de rumeur Et morse pour les recomposer claires Rossignol – chouette – hibou – coucou Pour psalmodier la veille Aux idées sommeillantes Merle – bergeronnette – mésange Pour chanter les variations incontrôlables Des idées Et … Ouvrir la cage aux oiseaux Pour sentir l’idée de l’envol Ouvrir un palais aux poèmes Pour les laisser moduler Tous les chants Même ceux du Désespoir La pensée pour libeller Les idées fortes dans Lettres et livres … Un corps à soi Livré à cette Pensée Pour Chanter – juste – : Les causes du monde Comme nous l’avons écrit maintes fois dans nos commentaires sur la poésie, nous choisissons les poèmes que nous étudions selon les deux critères de la qualité et de la singularité et non de l’appartenance de leurs auteur(e)s à des tendances bien déterminées , d’où l’extrême diversité des écrits que nous avons analysés au cours de notre parcours de critique littéraire aussi bien au niveau du style que celui des préoccupations des auteur ( e )s . Avec Alain Minod, nous avons affaire à une conception très particulière de l’écriture poétique sur laquelle il nous fournit dans ce poème-manifeste beaucoup d’éclaircissements . Ce terme d’ « écriture » qu’il tient à placer dans un surtitre en majuscules toujours présent au dessus de ses poèmes: « ÉCRITURE ET POÉSIE » a été , utilisé pour la première fois en France à la fin des années soixante par le groupe avant-gardiste TEL QUEL sous la houlette de Philippe Sollers que nous avions eu l’honneur de rencontrer en 1971 à Paris puis en 1974 à Tunis, désigne une pratique langagière qui fait exploser les charges connotatives et symboliques recélées dans la langue, indépendamment des intentions des utilisateurs . Et pour y arriver, il faut débarrasser l’expression des sens communs qui l’encombrent et la tiennent prisonnière des automatismes de réflexion dépourvus de créativité et d’imagination . Ce qui exige de la part de l’écrivain une recherche extrêmement laborieuse et très fine qui ne laisse rien au hasard , comme on le voit dans ce poème qui essaie de grouper dans un espace très restreint toutes les idées potentielles qui pourraient naître dans l’esprit du créateur et lui offrent l’occasion , séparément ou conjointement par deux ou plus , de générer la texture de son œuvre . Un autre procédé non moins ingénieux a été mis en œuvre pour rendre compte de la diversité des actions adaptées à chaque cas que le créateur accomplit dans le traitement , à des fins esthétiques , de ces idées : la métaphorisation massive des moyens dont il use à cet effet . Et le résultat final est un édifice à ossature binaire constitué de deux grands paradigmes : les idées d’un côté et les moyens de les exprimer poétiquement de l’autre. Un poème expérimental de haute facture répondant admirablement aux principes qui régissent le genre auquel il appartient. 2018-02-28 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet