Archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :1- Les poèmes de Jocelyne Mouriesse :1-16 :Anba fey

Jocelyne Mouriesse

Mes pas suivent les tiens

Entre les feuilles mortes

L’œil

Attentif aux racines houleuses

Aux troncs écartelés

Aux mues des gommiers métissés

 

Mes pas suivent les tiens

Entre les feuilles mortes

L’oreille

Sensible aux frissons de la branche déchue

Aux notes brisées de la tourterelle

Oraisons du vent

 

Je garde en mire tous les écarts

Enjambe un doute et sa morsure

Epépine les acacias

Aux coins reclus de la mémoire

La taille, l’épaule, l’allure

Cette main qui se balance au rythme qui n’est que tien

 

J’emporte l’osmose des glycérias

J’en porte les égratignures

Je t’essuie à la sueur le mon front

 

 

De prime abord, ce nouveau poème nous paraît dès le titre s’inscrire dans la même orientation hermétique que les poèmes précédents de l’auteure, vu que ce titre est composé d’un mot polysémique « amba » qui n’a pas moins de sept sens 🙁amba, type de montagne aux pentes très raides et au sommet plat qui se trouve en Éthiopie./ Amba, un des noms de la Mère divine dans l’hindouisme ./Amba est une princesse fille du roi de Kāśī dans le Mahabharata, une épopée indienne antique./les Amba, un peuple d’Ouganda et de la République démocratique du Congo ./l’amba, la langue bantoue parlée par ce peuple ./l’amba, une langue océanienne parlée aux îles Salomon /.l’amba, une sauce à base de mangue, utilisée au Moyen-Orient )et du mot anglais « fey » qui signifie « bizarre ». Mais dès que nous franchissons ce titre évasif qui semble avoir été conçu intentionnellement pour nous égarer, nous nous trouvons, par contre, devant un discours narratif  aisément compréhensible, malgré la masse élevée des faisceaux connotatifs dont il est chargé .Et cela se constate au niveau thématique où le sujet abordé est un sous-thème amoureux ( l’amour unilatéral) et plus précisément une relation entre une femme ( ici la locutrice ou, si nous le voulons, la narratrice-personnage ) et un bien-aimé totalement indifférent qui ne daigne même pas se retourner vers elle, bien qu’elle s’adresse à lui du début jusqu’à la fin, non seulement en  tant que compagnon de route mais comme un véritable guide ( Mes pas suivent les tiens : 2 fois).

De ce fait, le contenu de ce  discours  a été articulé autour de deux pivots sémantiques principaux : un ton plaintif couvrant la presque totalité du texte (18 vers sur 22 ) où la locutrice énumère massivement les souffrances dont elle a été victime et qui lui ont été infligées probablement par son partenaire  et un ton sentimental mis en avant bien qu’il ait été  réduit quantitativement (il est présent seulement dans 4 vers). Et cette mise en avant  a été réalisée sur deux plans :le premier est celui de l’action qui est ici une action commune  (la marche) et au cours de laquelle le bien-aimé devance la locutrice et elle se contente de lui emboîter le pas  et le second est le plan mental  où ce personnage paraît résolu et en bonne maîtrise de soi (La taille, l’épaule, l’allure/Cette main qui se balance au rythme qui n’est que tien), tout en notant dans ces deux vers l’attrait physique qu’il exerce sur elle.

Cette histoire incarne donc l’authenticité de la femme amoureuse qui, bien que martyrisée par son bien-aimé, ne s’empêche pas de se vouer à lui corps et âme et n’hésite pas à supporter  son indifférence et sa maltraitance.

Néanmoins, ce qui retient tout particulièrement notre attention dans ce nouveau poème est le haut degré de communicabilité dans le discours énoncé .Est-ce dû à une évolution dans le style de cette poète  sachant que les poèmes que nous lui avons lus  précédemment ont été écrits entre 2009 et 2012 ? Attendons ses prochains poèmes pour trancher sur cette question.

 

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