Soixante-disards* par : Mouina El Achari – Rabat – Maroc

 

Génération mûre avant l’âge,

Passerelles entre deux ères.

Idéalistes accusés de libertinage,

Idolâtrant de saints révolutionnaires.

Bravant la loi et multiples adages,

Tout antagoniste est réactionnaire.

Rêveurs, dans l’utopie ils nagent,

Dédaignant inégalités et misère.

A la  bataille ils s’engagent,

Armés de théories légendaires.

Abolir les disparités est un gage,

Qu’ils honorent en braves téméraires.

L’égalité est un apanage,

Pour lequel ils galèrent.

Aux prolétaires ils font hommage,

Aux paysans réclament la terre.

La démocratie n’est plus un mirage,

Inaccessible depuis des millénaires.

Tous font partie du voyage,

Aisés comme pauvres hères.

Pour le système pas de plombage,

Les dents cariées sont à extraire.

La répression fait des ravages,

Tous en liberté temporaire.

Torturés par d’abrupts « hajes* »,

En taule plus que le calvaire.

Sans amours, nombreux mariages,

A l’époque étaient nécessaires.

Les cœurs ont subi des carnages,

La conjoncture était particulière.

Des geôles sortaient des ouvrages,

Et construites des carrières.

Vient la clémence après l’orage,

Le plomb a fondu dans l’ère.

Une puissance a cédé le passage.

Et se sont levées les barrières.

Les camarades ont perdu l’attelage,

Et ne savent plus que faire.

Ils se vouent au bavardage,

Leurs principes se combinent au contraire.

Ont-ils des regrets avec l’âge?

Et font souffrir, car ils ont souffert.

 

Mouina El Achari

 

* Pour désigner les rebelles des années 70

*Un mot du dialecte marocain qui veut dire bourreau

Sans généraliser :

La génération éclairée des années 70, à l’époque de la guerre froide entre les USA (capitalistes) et L’URSS (communiste) a subi de graves secousses au Maroc. Ils étaient entre le marteau et l’enclume, le système les réprime et leurs parents ne comprennent pas la situation. Beaucoup d’entre eux ont été incarcérés à cause de leurs principes

Mais…

Après le répit, ils ont été perdus et sont devenus pires que les réactionnaires qu’ils combattaient …