Poème du jour ( Nouvelle série) no 69 : L’HOMME par : Rolande Bergeron – Montréal – Canada 2 mai 2016 L’HOMME par : Rolande Bergeron – Montréal – Canada L’homme est un drôle d’oiseau… Créature conçue par les dieux Sous tous les cieux il erre En proie à l’angoisse d’être Est-il chu sur terre par hasard Poussé par un vent qui passait par là Ou fait-il partie d’un dessein Ourdi par les Parques ?… Parfois, il souhaite s’être fait seul Dédaignant une paternité mythique D’autres fois il rêve d’un père Un père indulgent et aimant Il rêve aussi d’un refuge maternant De seins généreux de femme Abri contre ses peurs sans nom Comme un petit enfant… D’autres fois, brave parmi les braves, Il secoue ses ailes et prend son envol Il est libre, il est fort, il survivra Ni dieu ni diable, mais lui contre tous ! Cela jusqu’au jour où, vieillissant, Il rendra les armes en gémissant Il lèvera les yeux vers en haut Dans l’espoir d’un ailleurs inédit… Il invoquera le dieu d’Abraham Il suppliera Allah et Jéhovah Il promettra de se faire ermite Pourvu qu’on le laisse vivre L’homme est un bien drôle d’oiseau Né du néant, retournant au néant Sans rime ni raison, croit-il… Ainsi finirait le joyau de l’univers ?… Commentaire de Mohamed Salah Ben Amor: Poétesse engagée de son état, l’auteure de ce poème s’attaque d’habitude aux grands maux dont souffre l’humanité d’aujourd’hui et en premier lieu les guerres, le colonialisme, l’impérialisme, le racisme, surtout à une époque où le désespoir gagne de plus en plus le cœur des intellectuels les plus optimistes, vu la tournure qu’ont prise les évènements au niveau planétaire depuis l’avènement du Nouvel ordre mondial et l’arme terrible dont il se sert, à savoir le terrorisme religieux, pour créer, un peu partout dans le monde , un climat de guerre permanent propice à la prospérité de l’industrie des armes et la commercialisation de toutes sortes de moyens de destruction . Dans ce nouveau poème, elle aborde, par contre, une problématique philosophique : l’énigme de l’espèce humaine sur terre. Et les questions qu’elle se pose sont celles qu’on continuera probablement à se poser toujours : d’où vient l’homme ? Qu’elle est sa véritable identité ? De quoi est-il constitué : d’un simple corps ou bien d’un corps et d’une âme ?Pourquoi est-il mortel ?…etc. Cependant bien que philosophiques, ces questions ne sont point contradictoires avec l’orientation engagée qu’à choisie la poétesse, du fait que la plupart des maux de l’humanité énumérés ci-haut sont causées par l’homme. Et c’est ici où réside le nœud du problème. En effet, d’après la description qu’a faite l’auteure de la disposition psychologique de cet être terrestre, il souffre d’un grand point faible : une angoisse apparemment innée (Sous tous les cieux il erre/En proie à l’angoisse d’être) engendrée par sa méconnaissance de son origine .Et cette angoisse l’a rendu psychiquement instable : parfois il se sent indépendant et puissant et n’avoir besoin d’aucune protection qu’elle soit céleste ou terrestre et en d’autres moments, il éprouve, par contre, la nécessité de se réfugier sous une aile divine ( Il lèvera les yeux vers en haut/Dans l’espoir d’un ailleurs inédit…/Il invoquera le dieu d’Abraham/Il suppliera Allah et Jéhovah/Il promettra de se faire ermite/Pourvu qu’on le laisse vivre) ou humaine (D’autres fois il rêve d’un père/ Un père indulgent et aimant/ Il rêve aussi d’un refuge maternant/ De seins généreux de femme/ Abri contre ses peurs sans nom/ Comme un petit enfant…), chutant ainsi, tout d’un coup, du piédestal du héros sans peur et sans reproche vers le berceau de l’enfant peureux et inoffensif. Enfin si les méfaits dont l’homme est responsable sur terre sont imputables à cette disposition psychologique instable et fragile et surtout pendant les moments de faiblesse par lesquels il passe et si son existence n’est peut-être que le fruit d’un hasard, il n’en demeure pas moins qu’il est, au yeux de la poétesse, le « joyau de l’univers ». Et cette expression méliorative en dit long sur la vision humaniste de l’auteure qui croit que l’homme est aussi capable du pire que du meilleur et le rôle de l’intellectuel engagé est justement de condamner ses méfaits tout en le poussant vers le chemin de l’action constructive et positive. Sur le plan stylistique, dans ce genre poétique où l’idée prime sur la recherche esthétique, l’auteure n’a pas jugé utile de confectionner des images déroutantes étant donné que le sujet traité est lui-même déroutant . 2016-05-02 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet