Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :38– Les poèmes d’Abdelmalek Rochdi:38 -5 :Liberté toujours

’Abdelmalek Rochdi:

 

 

Poètes, taisez-vous
Car le silence est sagesse,
Quittez vos
muses et pythonisses,
Laissez de côté :
Aménité et purisme
Pusillanimité et pudeur,
Cessez de psalmodier
Vos vers, vous devenez
Prosaïques,
Descendez dans les rues
Et faîtes-en souk Okad,
Enlevez de vos étalages
Corps nus de nymphes
Et secrets d’alcôve,
Proposez liberté
Et droits,dignité
Et égalité,
A des prix abordables
Car la misère bat
Son plein et l’oisiveté
Est mère de tous les
Vices dans la puanteur
Des bidonvilles,
Criez poètes, à aplatir
Les montagnes
Et à réveiller les momies
Liberté toujours…


 

Ce poème nous surprend par la conception que son auteur  se fait de l’écriture poétique et qui est clairement tout à fait contraire à cette qu’il adoptait ,soutenait et mettait en œuvre dans ses poèmes précédents , car si nous savons déjà qu’il avait  choisi résolument et franchement la voie de l’engagement, il avait toujours, en revanche, tenu fermement  à respecter les règles sacrées de l’esthétique  à défaut desquelles il ne peut y avoir d’art .

Cette fois, par contre , l’auteur déplore qu’à notre époque les nouveaux médias extrêmement évolués ont accaparé l’attention du public au point où ils ont  relégué aux oubliettes la poésie déclamée en pleine rue au milieu de foules en délire .Et ce genre de poésie que l’auteur souhaite faire renaître de ses cendres (proposez liberté et droits,dignité et égalité, à des prix abordables car la misère bat son plein et l’oisiveté est mère de tous les vices dans la puanteur des bidonvilles / criez poètes, à aplatir les montagnes et à réveiller les momies ) a été marginalisé de nos jours   parce que le rôle de la poésie , selon lui, partout dans le monde , s’est réduit à sa fonction esthétique pure et n’est poète que celui ou celle dont les textes répondent aux critères artistiques très rigides des critiques et autres fins connaisseurs .

Que veut-il dire par cette remarque ?Devrions-nous tolérer la transgression de ces règles sublimes pour soi-disant communiquer avec une masse peu ou non-cultivée   qui ignore  tout de l’essence de l’art  au lieu  d’affûter le  goût de cette masse et l’élever au niveau des hautes valeurs artistiques ?

D’autre part, si l’on tient à ces critères , rien n’empêche le poète de traiter les thèmes militantismes qu’il trouve conformes à ses convictions idéologiques, comme ce fut le cas des ogres de la poésie engagée tels que Lorca , Néruda et autres Hiket qui ne sacrifiaient jamais le côté esthétique , contrairement à ce que préconise notre poète (quittez vos muses et pythonisses, laissez de côté : aménité et purisme pusillanimité et pudeur ) , au profit d’une communication large espérée mais non garantie avec un public profane et non cultivé .Un autre point est à discuter aussi , celui qui concerne la liberté dont l’auteur s’est fait ici  le porte-parole (Liberté toujours : affichée en gros caractères dans le titre )mais qu’il se permet d’entraver voire saper dès le premier vers (poètes, taisez-vous !) ainsi que dans le reste de son poème (enlevez de vos étalages corps nus de nymphes et secrets d’alcôve ), ce  qui constitue une ingérence pure et simple dans les choix de chaque poète .

Récapitulons à la fin en affirmant le droit des poètes militants d’aborder les thèmes de leurs choix mais il n’est plus question de revenir au jdanovisdme russe sous le régime de Staline qui dictait aux écrivains et aux poètes ce qu’ils doivent écrire sous peine de les persécuter .

Soyons à jamais convaincus que la liberté d’expression pour les créateurs est sacrée !

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