J’avance
En portant dans mes bras
Un grand bouquet de fleurs rouges , vertes et blanches
Ne me frappez pas
À l’arme blanche
En dépit des aléas
Et violences
Embusquées
Même dans les mosquées
J’avance
Et même si je sens et pue l’essence…
Ne déchirez pas…
Ne déchirez plus mon pas
Ça n’a pas de sens
Ne déchirez pas
Mon essence : fleurs…
Rouges, vertes et blanches
Avec vos belles petites dents
Et pattes Pointes ‘Tue… et blanches
De vos drones Oxy’Dent
J’AVANCE
Ce n’est pas rose
L’essence de mes fleurs ,
N’est pas du tout de l’eau de rose
Ou du jus de peur
Mais le sang vigueur de mes droits
C’est tout le sens
De mon humaine Essence
Tous les jours, jour après jour
Éclairée par une grande pensée
Qui donne de la voix
Et avance encore une fois
Contre le gel , le silence et le froid
J’AVANCE…
Ma brassée de fleurs
Toujours serrée entre les mains
Serre la main de quelqu’un…d’autre, acquis d’avance
A la cause
Qui pousse, grandit et éclaire le chemin
Son cœur qui est une rose
Avance tout seul en nous
Sans aucun report ni autre support
Que l’or
Pas clairsemé
Pour un sou
De la cause
Semée transports Emoi
En toi et moi
Qui dépasse le froid,
Les murs et les toits
J’AVANCE…
Les ampoules et pustules aux pieds
Sont le fait du rêve
De “marche ou crève”
Contre la fièvre et le délire
Quand il s’agit du chant
De la sève de la vie… à venir
Quelle que soit la grève…
Ou le champ…
Labouré par les fous et les méchants
Portée à bout de bras
Par les bras d’un bouquet des meilleures fleurs : rouges, vertes, blanches
Qui ouvrent avec transports vers l’extérieur
L’espace intérieur de leur cœur d’or tapissé d’Espérance
J’AVANCE …
Et l’Espérance me devance
Si thématiquement ce poème s’inscrit pleinement dans la vision réaliste socialiste de l’acte artistique que prône ce courant , en exaltant le courage d’esprit , la détermination, la fermeté et la ténacité qui doivent animer l’artiste militant et qu’il est appelé à communiquer au récepteurs , il ne se départit nullement des principes de rénovation et d’extrême soin qu’il faut accorder au côté stylistique . En effet , si l’auteure a incarné tour à tour dans les poèmes précédents que nous lui avons commentés les rôles d’oratrice , de narratrice et d’essayiste , elle endosse cette fois celui du dramaturge en théâtralisant ce texte de bout en bout par l’exploitation à fond symboliquement d’un seul mouvement exécuté par un unique personnage de sexe féminin parlant à la première personne, portant un bouquet de fleurs et marchant résolument à l’avant . Cette image fortement évocatrice de l’état d’esprit qui doit animer , selon l’auteure , la masse pour faire face aux très graves dangers qui menacent le pays constitue le noyau charnière duquel elle a généré tout un bouquet d’éclairs d’esprit , tout en enjolivant son texte d’inventions lexicales (pointes ‘Tue… / oxy’Dent ) , de diverses figures de style telle la polysémie (ce n’est pas rose l’essence de mes fleurs , n’est pas du tout de l’eau de rose – portée à bout de bras/ par les bras ) , les comparaisons et les métaphores (chant de la sève de la vie jus de peur – son cœur qui est une rose ) de sonorités très variées ( j’avance : refrain répété six fois – des répétions : ne déchirez pas… ne déchirez plus mon pas ça n’a pas de sens ne déchirez pas mon essence – des paronomases : sens / essence – émoi/ en toi et moi – embusquées / mosquées…) et ce , conformément au style ludique où elle excelle et dont elle seule connait bien tous les secrets .
Enfin , à travers cet énième poème , l’ auteure donne encore une fois une leçon très instructive à la horde de pseudo-poètes qui sont apparus soudainement après la révolution et qui croient à tort que le simple enfourchement de cet évènement leur ouvre la voie de la célébrité .