Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :12 – Les poèmes de Fatima Maaouia :12 -15:Printemps en herbe 9 juin 2019 Fatima Maaouia Où je peux le trouver encore Fierté de printemps en herbe, ce jasmin Laid, sans parole et sans moustaches?? Après avoir fendu gel et pierre Et poussé en plein hiver Le vilain m’a tourné le dos sur le terrain Et du jour au lendemain Son parfum s’est transformé en venin, Je l’ai aimé si fort Croyant de tout mon cœur en l’or Pur de son chant puissant, juste et sonore Qui jamais pour les autres ne fait faux bond ou ne dort Et il m’a joué un si mauvais tour La vache! Où se cache Enfin Ce jasmin Qui fâche Et veut enterrer à jamais Rêve et espoir sous une bâche??? En vérité , j’aurai dû ne pas avoir de cœur Et l’éviter Mais je l’ai aimé Quelle erreur! Il a pris mon cœur Hébété et l’a habité J’ai aimé si fort, si fort A la vie à la mort Comme une affamée Je l’ai aimé Ce brin de jasmin pas plus haut que trois pommes Il représentait le Jour Et en retour Moi qui lui faisais la cour Il m’a bloquée pour utilisation abusive de la fonction ‘j’aime’ Il était tout ce que j’aime … En vérité … Il était Vérité: Du cœur et de l’esprit de chaque femme Et de chaque d’homme Jasmin vain Devenu venin C’est l’une des rares fois que je lis un poème aussi court de notre poétesse tuniso-algérienne qui s’est spécialisée et distinguée, à vrai dire aussi , depuis longtemps dans les poèmes ultra-longs qu’elle manie avec une facilité et une finesse stupéfiantes , tellement le souffle manque aux poètes contemporains pour en faire autant . Il ne s’agit probablement que d’un écart momentané qui lui a été imposé par le thème abordé et surtout par son état d’âme d’artiste à fleur de peau qui a trouvé du mal à supporter l’échec d’une révolution qu’elle croyait au début salvatrice et porteuse d’espoir pour toute une génération assoiffée de liberté et d’émancipation . Pourtant, plusieurs indices laissaient présager le contraire, à commencer par l’acclamation du congrès américain et l’intervention de l’OTAN dans la Libye voisine qui dévoilaient le programme des USA dans la région et dans tout le monde arabe . Enfin, le fait est là. La désillusion de la poétesse était d’autant plus douloureuse qu’elle s’était jetée corps et âme dans l’édification de châteaux de rêves sans le moindre doute sur leur prochaine concrétisation. Mais si cette déception est profonde et amère, elle a généré au niveau du style et comme toujours grâce aux capacités créatrices de l’auteure, un texte poétique finement ciselé construit autour de la double métaphore du jasmin et du printemps qu’on a utilisée au début pour qualifier la dite révolution avant de l’abandonner de plus en plus après qu’elle a dévoilé sa véritable nature. Et de cette métaphore principale, elle a produit toute une série de métaphores secondaires pour décrire le volte-face de ce jasmin personnifié en un amant trompeur et infidèle . Sur le plan sonore et typographique et comme pour suggérer le caractère trouble et changeant du jasmin , le rythme utilisé oscille entre l’accélération par l’émission de suites de vers très courts ( La vache! / Où se cache / Enfin / Ce jasmin / Qui fâche) et le ralentissement par l’allongement de certains vers (Il m’a bloquée pour utilisation abusive de la fonction ‘j’aime’ ) . 2019-06-09 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet