Et maintenant qu’allons nous faire?
Qu’allons-nous faire
De ce froid bras de fer
Qui taillade l’esprit et la chair,
Qu’allons-nous faire
Soleil interloqué…
Qu’allons-nous faire?
Gouffre amer
Des discours enflammés?
Qu’allons-nous faire…contre l’absence de pouvoir
Du jasmin d’assainir et de parfumer
Le pouvoir ?
Rien n’est acquis
Ode qui érode
La nuit à quai
L’ogre aux aguets
Ode qui érode
Qu’allons nous faire?
Jeter les loquets ? Les laquais?
Relooker mosquées et hoquets?
Qu’allons nous faire?
Ode qui érode
Qu’allons-nous faire?
Vent qui rode
Et ne fait que nous défaire?
Qu’allons-nous faire de la révolution finaude
Auteure de “Dégage”‘
Au parfum fraude
Pourtant elle a donné au temps
Des signes, le chant de Dégage
Gage ” en cage”…
Même contre le jasmin qui ment
Moi, tapissé de ferveur
Je lui ai déroulé le tapis de mon cœur
Orienté à la bonne heure
Et maintenant j’en ai peur !
Alors qu’allons-nous faire?
Un inventaire?
Des séminaires
Sur la sève printanière
En butte au mauvais temps
Pour la mettre à l’abri de l’hiver?
La refiler au voisinage?
Mettre la vilaine graine
En quarantaine?
Quelle entreprise cruciale!
Une plainte à la cour internationale?
L’expédier en manches de chemise
Dans les terres les plus lointaines
Et les iles plus grises
Pour en temps de crise
De parfum de jasmin :
Elle leur chante “Le temps des cerises” ?
Lui changer de coiffure? De robe …
A la gloire du globe?
Qu’allons-nous faire de la révolution auteure de “Dégage”‘
Aube qui rode ?
Qu’allons-nous faire?
Lui sourire de toutes nos dents ? Malgré le naufrage?
Rendez- vous …longtemps au printemps prochain?
Nous lisons ensemble aujourd’hui un poème d’un genre bien différent de Fatima Maaouia, étant conçu sous la forme d’un long questionnement à teneur pathétique posé par une locutrice qui se met dans la peau d’une guide politique face à une situation dégradée et sans issue, ce à quoi renvoie cette question “Qu’allons-nous faire ?” reprise onze fois et qui rappelle le titre du fameux ouvrage de Lénine Que faire ?
Le choix de cette idée maîtresse vise , en réalité , deux objectifs distincts mais complémentaires : le premier est l’expression d’une prise de position claire, qui est celle de la gauche tunisienne , sur la dite situation , d’où le caractère militant que revêt le poème et le second , d’ordre esthétique, est la théâtralisation en one-man-show du poème . Il s’en est suivi un long monologue apte, sans aucun doute , à être mis en scène mais qui ne peut , de par la nature de son contenu , qu’être un monologue intérieur donc mental . Ce façonnage particulier du texte a eu pour effet de maintenir l’attention du lecteur/spectateur et de le tenir en haleine du début jusqu’à la fin , en excitant énergiquement sa curiosité , d’un côté par l’amplification de l’état de crise qui prévaut dans le pays et de l’autre par la répétition en refrain de la question charnière “Qu’allons-nous faire? ” qui l’incite à continuer la lecture pour en connaître la réponse . Et encore une fois , c’est l’esprit d’engagement qui anime la poétesse qui a été , à la fin , déterminant en closant le texte par un éclair d’espoir (Rendez- vous …longtemps au printemps prochain? Tout va bien ) , conformément , comme d’habitude , à l’un des principes essentiels du réalisme socialiste qui est la conviction en la victoire finale du peuple ou plus précisément des classes laborieuses .
Enfin , profitons de cette énième occasion pour féliciter encore une fois cette poétesse qui compte parmi les rares poètes qui se sont réellement distingués dans le genre engagé avant et après la révolution en Tunisie sans verser dans le discours politique sec et inesthétique.