Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :12 -Les poèmes de Fatima Maaouia:12 –7:Cil -y- a- na” city

Fatima Maaouia

 

 

D’un battement de cils scalpel

Sans appel

Qui fait mal

 

Tout chevrotant et  pâle

Le ciel bas

Vêtu  de burka

Appât

Crachant   sur la triste  lande

Ses poumons malades

D’excès de pommade

Chargés de chevrotine  -toxine immonde

 

D’un clapet   sec  le ciel  bas

Vêtu  de burka

A refermé   le monde

Sur la pauvre isba

Déshéritée et sans bras

Qui tombe…  encore plus bas

 

Le ciel est gris

Habité de cris

Siliana  nue …en tenue de combat

 

 

Cil, cils

S’il y en a de brûlés, d’estropiés,

De  cibles pillées  cils éparpillés

Oeil fruit, baie… lettres ouvertes

Plus larges que béantes  fenêtres

Impossibles  à plier

 

C’est à  “Cil -y- a- na”  city

 Enregistrés  salsal sinistré

Qu’il y en a  en quantités industrielles

Salsabil …

Cils linceuls

Se   ramassent  à la pelle

Viens te rincer l’oeil

A Siliana  qui  gonfle de colère à vue d’oeil

Aux yeux du monde:  yeux,  larges yeux  cieux  scalpés :

Pierres précieuses sculptées  importées

 

Viens voir!

Y en a de toutes les couleurs

…Or,

Globes oculaires

Sans éclat et sans  lumière

Troués comme passoire

 

Viens voir!

Viens voir vite!

La  parole  maudite

La  parole non dite

Y  bat  encore

Et  palpite…

A chaud…

Sans mots

 

Ce qui est extrêmement difficile en poésie lorsqu’il s’agit d’écrire sur les évènements de l’heure comme ceux  qui ont survenu à Siliana en Tunisie est de faire face à une très grande quantité d’informations et de commentaires que  véhiculent  à ce sujet les médias de toute nature . Ce qui pose pour le poète le problème délicat de l’écart qui  constitue l’essence même  de l’écriture poétique .

L’auteure de ce poème , grâce à sa longue expérience  avec ce genre de thèmes et son style réellement spécifique dans la manie de la langue , basé sur l’usage massif  d’une forme de  ludique subtil et recherché  mais acerbe et fortement acidulé qui rappelle quelque peu celui du poète tunisien arabophone Moncef Mezghanni, semble  être totalement immunisée contre le danger de basculer dans  le banal et le commun . Et pour s’en convaincre , il suffit de suivre la stratégie qu’elle a suivie dès le titre et qui consiste à accumuler graduellement les connotations suggérant les évènements tragiques de Siliana  par la génération d’une multitude de  sens seconds  au moyen  de différents effets de style sonores   qui prennent tous  leur source dans la structure  phonétique du mot Siliana .Et  pour atteindre cet objectif , la poétesse a segmenté  dès le début  le  mot Siliana en  ses syllabes constitutives pour créer  tout de suite  après une atmosphère sonore dominée par des échos suggérant le sifflement des balles et  qui s’est étendue  sur la totalité du texte par l’assemblage de mots  comportant le son ”  S  “dont : cil , scalpel , ciel  , estropiés,  cibles , salsal ,  Salsabil linceuls,  scalpés , sculptées ,  passoire  …  et en renforçant cette atmosphère  au fur et à mesure que se déploie le discours par d’autres échos secondaires tels que : ”   scalpel sans appel qui fait mal / bas burka appât / vite! Maudite  , non dite palpite...”   . Ce qui a eu pour effet d’évoquer une situation explosive et  très inquiétante.

Un autre poème bien réussi de cette poétesse dont la gauche tunisienne peut en être fière dans une scène culturelle et politique  pleine à craquer de tendances et de voix de tout acabit .

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