Taieb Riahi :le poète tunisien oublié par :Mohamed Salah Ben Amor

 

 

Taieb Riahi est, sans doute, l’un des bons poètes tunisiens malchanceux  . Je ne prétends  pas qu’il était un grand poète mais il avait l’étoffe  de le devenir, vu le talent exceptionnel  dont il est doté. Et je me rappelle qu’à la fin des années 69 et aux débuts des années 70, plusieurs connaisseurs  lui prédisaient un grand avenir mais les circonstances de la vie et le destin en avaient voulu autrement , surtout parce qu’il a passé  la plus grande partie de sa vie loin de son pays qu’il quitta en 1972  et il n’y  revint qu’en 1996  mais ce ne fut qu’un retour éclair ,car en  cette même date, il s’exila de nouveau jusqu’à nos jours. Et d’après certains de ses anciens amis, il  réside actuellement et depuis son dernier départ avec la famille de son épouse irakienne au Danemark.

En mon humble avis, s’il était resté en Tunisie, il aurait était l’un des poètes tunisiens les plus en vue.

Taieb Riahi est né en 1947  à Tunis .Il a fait ses études secondaires au lycée Ibn Chraf à Tunis où il eut notamment parmi ses professeurs le poète Midani Ben Salah qui l’avait fortement influencé par sa tendance engagée et militante .Mais si les deux étaient nationalistes arabes déclarés, Taieb se différenciait de son maître par son radicalisme d’extrême gauche .Les poèmes qu’il avait publiés  à cette époque jusqu’à son premier départ en 1972  sont restés éparpillés dans les revues tunisiennes « El Fikr »( La pensée), « Thaqafa » ( Culture), « Ibn Rachiq »(un seul numéro paru) ,la revue libanaise  « El Aadaab »( Les lettres )et les journaux tunisiens « Essabah »( Le matin ), le supplément culturel d’« El Aamal »…

Personnellement, je  l’avais connu par hasard en 1967  au temps où j’étais élève en cinquième année secondaire  au lycée de Carthage  (lycée Carthage présidence aujourd’hui ) et  je publiais déjà des articles de critique littéraire dans les périodiques .Au mois de mai de cette année, un groupe d’étudiants et d’élèves des classes terminales de la banlieue-nord de Tunis avaient organisé dans un club littéraire qu’abritait le palais du général Khéreddine à la Goulette un petit colloque sur la poésie arabe libre  et m’avaient invité à y participer .Le sujet que j’avais choisi avait porté sur la technique du rythme en poésie libre en général. Mais pour illustrer mon avis sur cette poésie, j’avais préféré  l’illustrer par un exemple tunisien  et je tombai par hasard sur  un poème de Taieb Riahi paru récemment au journal « Essabah ».Et l’affaire se serait arrêtée là s’il n’avait pas assisté à ce colloque un reporter régional du journal « Essabah »(Le matin) qui avait demandé à aux intervenants de lui fournir des résumés de leurs communications. Je lui griffonnai à la hâte quelques paragraphes, pensant qu’il s’en inspirera dans la rédaction de son article de couverture du colloque mais il  les publia comme telles.
Dès que Taieb Riahi prit connaissance du contenu de cette communication, il m’a attaqué violemment dans un long article qu’il fit paraître  dans le même journal .J’allais lui répondre mais un ami commun Amor Mejri (aujourd’hui un chef d’un parti politique) s’était intervenu en nous réunissant dans un café à Tunis et il nous avait convaincus de mettre un terme à ce différent .Ce fut fait .Mais Taieb restera longtemps rancunier à mon égard.

En effet trois ans après en 1970, nous nous rencontrâmes un jour devant le théâtre municipal  de Tunis et je fus surpris de la haine qu’il vouait au mouvement d’avant-garde tunisien qui accaparait l’attention de tout le milieu culturel.

-« Tu es en train de détruire la littérature tunisienne et tu en assumera toute la responsabilité devant l’histoire. C’est quoi au juste  cette expérimentation ? Nous avons plutôt besoin d’une poésie révolutionnaire capable de réveiller la masse de sa torpeur et la pousser à la révolte », me lança-t-il d’un ton nerveux et agressif.

Puis un jour en juin1972, j’étais à l’imprimerie du journal « La presse » où était imprimé le journal « Les gens » auquel je collaborais avec le critique Ahmed Hadhek Alorf  quand Taieb Riahi fit son entrée. Il était dans un état d’irritabilité extrême et  me fit savoir qu’il n’a pas réussi aux examens de fin d’année  de la première année de la maîtrise arabe à la faculté des lettres et sciences humaines de Tunis et fit endosser la responsabilité de son échec  au professeur Mongi Chemli qui lui a donné une très mauvaise note. J’avais essayé de le consoler mais il me dit qu’il  prendra incessamment l’une des deux décisions suivantes : quitter définitivement le pays ou créer un groupuscule révolutionnaire marxiste léniniste et maoïste.

J’appris quelques jours après qu’une altercation verbale très vive eut lieu au hall de la faculté entre Taieb Riahi et le professeur Mongi CHemli et que Riahi l’aurait menacé de violence physique  mais Chemli lui répondit qu’il était détenteur d’une ceinture noire en karaté ou en judo et qu’il s’approchait de lui, il n’en ferait qu’une bouchée .Et cette scène amusante demeurera longtemps sur les lèvres des étudiants.

Finalement, Taieb choisit la première solution qui était la plus raisonnable .Et  depuis, nous parvenaient de temps en temps quelques unes de ses nouvelles par l’intermédiaire des poètes tunisiens qui participaient chaque année au festival de Mirbed en Irak  .Nous apprîmes entre autres qu’il avait préparé à l’université de Baghdâd une licence es lettres arabes et fit paraître dans la même ville un recueil de poésiedont nous ignorons même le titre.

En 1987, nous sûmes à travers les revues littéraires irakiennes qui étaient distribuées régulièrement en Tunisie qu’il publia aux éditions Al Farabi à Beyrouth  la traduction d’un choix de poèmes du poète chilien Pablo Neruda sous le titre « Les derniers poèmes »  avec un sous-titre «  Incitation à l’extermination de Nixon et éloge de la syrienne ».

En 1996, l’ancien président Ben Ali lui permit de retourner au pays et l’intégra au comité de rédaction de la revue officielle du ministère de la culture « La vie culturelle ».Un jour  je l’ai rencontré au quartier Lafayette à Tunis et  il m’a raconté les péripéties de sa vie pendant les longues années de son lexil .Il  s’était marié à une irakienne et avait travaillé pendant quelques années aux Emirats arabes unies.

Mais son retour était, comme je l’ai dit plus haut , de courte durée, car il n’a pas tardé à quitter le pays et ce deuxième départ est demeuré une énigme .Certains disent qu’il s’était trouvé  dépaysé dans un milieu littéraire qui avait extrêmement changé et où il ne lui pas facile de s’y  distinguer comme avant . Selon d’autres, il a avait ouvert une station d’essence dans une localité proche de Tunis avec l’argent qu’il avait ramassé pendant des années de labeur  aux EAU  mais le projet échoua et il s’était trouvé dans une situation matérielle difficile.

En fin quoi qu’il en soit, même si nous nous contentons des poèmes que Taieb Riahi avait publié avant son premier départ en 1972 ; il mérite d’occuper une certaine place dans l’histoire de la littérature tunisienne

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