Pourquoi les régimes en place de l’Europe de l’Est avaient-ils chuté à la fin des années quatre-vingt ?:l’exemple de la Pologne (2) par :Mohamed Salah Ben Amor 6 juillet 2019 Dès que nous avions mis les pieds hors de l’aéroport et pris le bus pour aller au centre ville( en août 1979 : voir la première partie de cet article) , nous avions été surpris par le prix du billet du bus qui était cinq fois moins cher qu’en Tunisie. Puis devant le premier hôtel que nous avions trouvé sur notre chemin, plusieurs Polonais proposaient des prix plus bas pour accueillir les voyageurs chez eux. Notre choix s’était porté sur une dame qui nous avait paru sympathique et honnête et nous lui avions payé deux nuitées, parce que notre programme comportait une visite le troisième jour de la ville de Cracovie située dans le sud du pays. Puis une fois mis nos bagages dans la chambre que nous avait louée cette dame, nous étions sortis à la recherche d’un restaurant. Il était plus près de 19h et la nuit commençait à tomber. Et nous avions vraiment de la chance que la première personne que nous avions rencontrée parlait un français correct. C’était Christina dont j’avais parlé dans mon article précédent. Elle avait la cinquantaine, veuve depuis près de deux ans et avait deux fils mariés qui habitaient loin de Varsovie. Elle était pharmacienne et travaillait dans une pharmacie de l’état. Après avoir pris connaissance de notre identité, de notre profession et du but de notre visite, elle dit comme pour nous taquiner : « En bonne Polonaise ,j’ai peur que le restaurant que vous cherchez ne vous fasse pas goûter et apprécier notre vraie cuisine nationale. Et comme je suis une excellente cuisinière, je préfère vous inviter à dîner chez moi ».Puis elle enchaîna en s’adressant à moi : « Vous avez bien fait de vous faire accompagner par votre femme. Sinon, je ne me serais même pas arrêtée pour vous répondre ».Après le repas et après avoir su d’elle qu’elle écrivait la poésie ,la nouvelle et essayait d’écrire des pièces de théâtre , elle nous avait proposé de séjourner chez elle gratuitement puisque nous avions payé l’autre dame mais à condition que nous quittions la maison avec elle à 7h du matin et que nous n’y revenions qu’à 19h du soir. Cette proposition nous allait parfaitement, parce que moi et ma femme nous sommes de grands marcheurs et au cours de nos voyages nous ne rentrons souvent à l’hôtel que le soir. Aussitôt dit aussitôt fait. Christina nous accompagna à l’appartement de la dame qui était tout près de chez elle et lui expliqua le contenu de notre accord qui l’enchanta, parce qu’elle a gagné le prix de deux nuitées sans héberger personne et le lendemain elle ira à l’hôtel et dénichera de nouveaux clients. De 7h à 19h pendant deux jours, moi et ma femme avions parcouru à pieds des dizaines de kilomètres et visité presque tous les quartiers de la ville y compris les coins les plus reculés. Et ce qui nous avait tout particulièrement enchantés, les prix incroyablement bas de tout ce est nourriture et habits au point où ma femme m’a dit : « Si on transportait ces magasins en Tunisie, nous serions des richards en quelques années ». Mais c’était la façade et il fallait écouter la vérité de la bouche de Christina pour comprendre la réalité des choses. Elle nous avait expliqué que nous trouvions la vie non-chère en Pologne parce que notre niveau de vie en Tunisie était plus élevé ,nous affirmant qu’elle, bien qu’elle soit pharmacienne, ne mange pas toujours à sa faim, car les salaires dans son pays sont très bas et qu’il n’y a pas beaucoup de différence entre les salaires des médecins ou des pharmaciens par exemple et ceux des infirmiers et entre les salaires des infirmiers et ceux des ouvriers. Et le problème ne réside pas dans le rapprochement entre les salaires mais dans l’application de ce rapprochement Ce qui était, à son avis, une mauvaise application du socialiste :car au lieu d’élever les salaires du bas vers le haut, on le fait dans le sens inverse .Ce qui a eu pour résultat de généraliser la pauvreté, tandis que le régime qui se réclamait du socialisme n’était, en réalité, qu’un appareil bureaucratique constitué des dirigeants du parti au pouvoir et des hauts cadres de l’armée qui jouissaient de tous les avantages au détriment de la population. Après avoir bien réfléchi sur ce que Christina venait de dire, nous l’avions trouvé très juste. En effet, la plupart des professeurs de l’enseignement secondaire qui avaient enseigné avec nous à cette époque ( la deuxième moitié des années soixante-dix) avait acquis des lots de terrain dans la banlieue de Tunis(La Marsa – Gammart –Soukkra- L’Ariana –El Menzah –Rades – Ezzahra – Hammam Lif…)et y avaient bâti des villas respectables ou acheté des appartements de standing dans ces mêmes lieux et je suis encore en contact avec plusieurs d’entre eux. Quant à moi et ma femme, nous avions acheté en 1978 un appartement par facilités à Radès , trois ans seulement après notre mariage et nous passions chaque année deux mois de nos vacances d’été dans la ville touristique d’Hammamet, au point où tous les membres de ma famille étaient devenus connus des habitants de cette ville et certains d’entre eux nous croyaient originaires de leur ville. En 1982, nous acquîmes un lot de terre à Hammamet en face du centre culturel de cette ville puis nous l‘avions vendu pour bâtir notre maison actuelle. Et tout cela grâce à l’argent gagné de notre travail à l’enseignement secondaire. Ce qui n’est plus aujourd’hui à la portée du professeur d’enseignement supérieur. En effet, le pouvoir d’achat du professeur d’enseignement secondaire était, comme l’avait dit Christina, élevé. Et malgré cela, nous étions mécontents face à la situation politique dans notre pays et nous nous considérions lésés. Pour cela,nous déclenchions des grèves les unes après les autres. Quant à moi, j’écrivais dans le journal opposant « Errayi »(L’opinion) qui protestait contre la chevreté de vie et l’absence de liberté. Quel socialisme prêchait et chantait donc la radio de la Pologne à cette époque ? 2019-07-06 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet