Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :12 – Les poèmes de Fatima Maaouia :12 -17 :Fleur porte honneur

Fatima Maaouia

 

Etincelante, poudrée   d’or

De lumière et de flammes à l’horizon

Qui s’évaporaient dans la poitrine et l’âme

De chaque homme et de chaque femme

Était alors  la maison

 

Fallait voir, fallait voir!

 

Elle avait fier air

Et  donnait   en grand

Et sans compter

Du grand air

À tous les comtés

 

Fallait voir, fallait voir!

Je vous raconte pas d’histoire….

Par hectolitres

Elle servait  du rêve  à boire

 

Elle  donnait à la terre entière

Le philtre  de la fleur

Porte honneur

Qui  à juste titre rend d’un élan

Heureux, beau et   grand,

D’équilibre et de  clarté

 

À quel moment, espoir  contré

Les cisailles…

Printemps Eté… Ailes

Dévoreuses de grisaille

Qui grandissaient l’homme et la contrée:

Sont-elles, jasmin

Ensanglanté

À la main

Tombées  à terre

Poitrail ouvert?

 

Je ne pouvais encore discerner

L’exacte nature de la révolution à peine née

Étoile

En blouse de travail

Et pieds nus

Qui  s’était jetée sans voile 

Et en manches de chemise 

Retroussées  à mon cou

Et que j’avais prise

Au mot

 

Mais son odeur…

Chargée de  peur et de  violence

Immédiatement…m’affranchit…et je compris tout

Ce n’était qu’un brouillon

Sans aucun  sens

 

A l’horizon,

La  fleur porte honneur, elle,

On pouvait  lui faire confiance:

Ses ailes, souffles en éveil

Étincelaient de plus belle

 

La métaphore de la fleur désignant la révolution tunisienne est reprise dans ce poème où l’auteure  fait encore une fois part de sa déception vive et amère après la tournure inattendue que  les évènements ont prise  dans le pays en si peu de temps . Mais contrairement à la stratégie stylistique inspirée de la peinture impressionniste qu’elle a adoptée dans un poème précédent (Belle fleur  ) et qui a consisté à procéder par des touches légères juxtaposées,  en faisant déferler des phrases tronquées  décousues , elle se dédouble ici  en narratrice populaire  , en jouant sur l’imaginaire des auditeurs  tout en  relatant des réalités quotidiennes vécues, d’où   le recours à cette histoire symbolique mais accessible d’une belle héroïne végétale dont la venue suscite la joie et l’émerveillement mais  qui ne tarde pas à dévoiler son visage postiche  (je compris tout ce n’était qu’un brouillon sans aucun  sens )  derrière lequel se cache une vraie bête sanguinaire ,  causant ainsi à ses acclamateurs et à leur tête la narratrice un cuisant désenchantement  ( qui s’était jetée sans voile  et en manches de chemise retroussées  à mon cou et que j’avais prise au mot mais son odeur… chargée de  peur et de  violence immédiatement…m’affranchit ) . D’autre part , l’auteure a finement exploité  cette métaphorisation de l’idée maîtresse du texte en  faisant jaillir de temps en temps ,  au niveau syntagmatique ,  de sous écarts étincelants à haute teneur poétique  tels que ( étincelante, poudrée   d’or de lumière et de flammes à l’horizon qui s’évaporaient dans la poitrine et l’âme – par hectolitres elle servait  du rêve  à boire – sont -elles, jasmin ensanglanté à la main tombées  à terre poitrail ouvert?). Et  comme le dicte le réalisme socialiste , quelque soit l’étendue de l’obscurité , il demeurera  toujours une lueur d’espoir , ce à quoi s’est conformée la poétesse en closant son texte par cette image porteuse de grandes espérances (à l’horizon, la  fleur porte honneur, elle, on pouvait  lui faire confiance: ses ailes, souffles en éveil étincelaient de plus belle ) .

 

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