Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :12 -Les poèmes de Fatima Maaouia:12 –11: les doigts bleus velus 1 juin 2019 Fatima Maaouia Ils sont venus Les doigts bleus Velus S’en prendre à mes yeux Ciel pluriel dangereux Pour le sel en eux Ils sont venus Coaguler Le corps menu, lait, Ailes nues Depuis leur arrivée Attrapé comme une oie Gavée de rivets Le printemps fécond en moutons N’a émis Aucun bourgeon Émoi Mais attrapé moult “Moi” Œdèmes et boutons Voilà pourquoi Jour et nuit Nous courons après lui Sans jamais le toucher du doigt. Sur la caillasse le sang de la jeunesse Sans cesse Branche verte Vers le soleil lettre bée ouverte Atteste de leur peste… Et de leur perte Comme la plupart des poèmes précédents que nous avions commentés de cette auteure , celui-ci n’enfreint pas aux principes essentiels sur lesquels s’érige sa tendance intellectuelle et son écriture poétique. Gagnée aux idées de la gauche et ses analyses de la situation qui prévaut dans le pays , elle s’en prend violemment ici aux nouveaux dirigeants dont les plus influents sont de tendance islamique qui ont fait , à ses yeux , échouer le printemps arabe sur le plan local , laissant ceux et celles qui l’avaient si chaleureusement accueilli en 2011, sur leur faim et leur soif (depuis leur arrivée attrapé comme une oie gavée de rivets , le printemps fécond en moutons n’a émis aucun bourgeon Émoi mais attrapé moult “Moi” œdèmes et boutons ) . Partant de cette idée charnière , elle a tissé au sein d’une dualité centrale ( agresseur / agressé ) des liens figurés de cause à effet entre ses deux éléments constitutifs dont le premier correspond aux dirigeants et le second aux dirigés , dotant ainsi son poème d’une texture métaphorique élégamment conçue inspirée d’un double champ lexical alliant l’atrocité à l’appauvrissement dans lequel elle a puisé une série d’images issues des notions d’attaque , de massacre et d’assèchement ( doigts bleus velus – s’en prendre à mes yeux – ils sont venus coaguler le corps menu – depuis leur arrivée attrapé comme une oie gavée de rivets le printemps fécond en moutons n’a émis aucun bourgeon Émoi mais attrapé moult “Moi” œdèmes et boutons – leur peste… et de leur perte ) . A cette structure rhétorique finement ciselée , il faut ajouter le style haché mêlant des jeux de mots (aucun bourgeon Émoi mais attrapé moult “Moi – branche verte vers le soleil lettre bée ouverte ) à des accumulations (le corps menu, lait, ailes nues – moult “Moi” œdèmes et boutons ) et la profusion des connotations symboliques et des sens seconds . Un autre exemple d’écriture poétique engagée qui tout en bien remplissant sa fonction de contestation et de conscientisation reste fidèle aux lois sublimes de la poéticité pour rappeler à tous ceux qui veulent l’entendre que la poésie demeure avant tout un Art . 2019-06-01 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet