Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :12 -Les poèmes de Fatima Maaouia:12 –11: les doigts bleus velus

Fatima Maaouia

 

Ils sont venus

Les doigts bleus

Velus

 

S’en prendre à mes yeux

Ciel pluriel dangereux

Pour le sel en  eux

 

Ils sont  venus

 

Coaguler 

Le corps  menu, lait,

Ailes  nues

 

Depuis leur arrivée

Attrapé comme une oie

Gavée  de  rivets

 

Le printemps fécond en moutons

N’a émis

Aucun  bourgeon Émoi

Mais attrapé moult “Moi”

Œdèmes et  boutons

 

Voilà pourquoi 

Jour et nuit

Nous   courons  après  lui

Sans jamais  le  toucher du doigt.

 

Sur la caillasse le sang de la jeunesse

Sans cesse

Branche verte

Vers le soleil  lettre  bée ouverte

 

Atteste de leur peste…

Et de leur perte

 

Comme la plupart des poèmes précédents que nous avions commentés de cette auteure , celui-ci n’enfreint pas aux principes  essentiels sur lesquels s’érige sa tendance intellectuelle  et son écriture poétique.

Gagnée aux idées de la gauche et ses analyses de la situation qui prévaut dans le pays , elle s’en prend violemment ici  aux nouveaux dirigeants dont les plus influents sont de tendance islamique  qui ont fait , à ses yeux ,  échouer le printemps arabe sur le plan local  , laissant ceux et celles qui l’avaient  si chaleureusement accueilli  en 2011,  sur leur faim et leur  soif  (depuis leur arrivée  attrapé comme une oie gavée  de   rivets  , le printemps fécond en moutons n’a émis aucun  bourgeon Émoi mais attrapé moult  “Moi” œdèmes et  boutons ) . Partant de cette idée charnière , elle a tissé au sein d’une dualité centrale  ( agresseur / agressé ) des liens  figurés de cause à effet  entre  ses deux éléments constitutifs dont le premier correspond aux dirigeants et le second aux dirigés  , dotant ainsi son poème  d’une texture métaphorique élégamment conçue  inspirée d’un double champ  lexical alliant l’atrocité à l’appauvrissement   dans lequel elle a puisé  une série d’images issues des notions  d’attaque   , de massacre et  d’assèchement ( doigts bleus velus – s’en prendre à mes yeux – ils sont  venus coaguler  le corps  menu – depuis leur arrivée attrapé comme une oie gavée  de   rivets le printemps fécond en moutons n’a émis aucun  bourgeon Émoi mais attrapé moult  “Moi”  œdèmes et  boutons – leur peste… et de leur perte ) . A  cette structure  rhétorique finement ciselée  ,  il faut ajouter le style haché  mêlant  des jeux de mots (aucun  bourgeon Émoi mais attrapé moult  “Moi   – branche verte vers le soleil  lettre  bée ouverte ) à des accumulations (le corps  menu, lait, ailes  nues  – moult  “Moi” œdèmes et  boutons ) et la profusion des connotations symboliques  et des sens seconds .

Un autre exemple d’écriture poétique engagée qui  tout en  bien remplissant sa fonction de contestation et de conscientisation  reste fidèle  aux lois sublimes de la poéticité  pour rappeler  à tous ceux qui veulent l’entendre que la poésie  demeure avant tout un Art .

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