Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :12 -Les poèmes de Fatima Maaouia:12 –10 : Et maintenant…

Fatima Maaouia

 

Et maintenant qu’allons nous faire? 

Qu’allons-nous faire

 

De ce  froid  bras de fer

Qui taillade  l’esprit et la  chair,

 

Qu’allons-nous faire

Soleil interloqué…

 

Qu’allons-nous faire? 

Gouffre  amer

Des discours enflammés?

Qu’allons-nous faire…contre l’absence de pouvoir

Du jasmin d’assainir et de   parfumer  

Le  pouvoir ? 

 

Rien n’est acquis 

 

Ode qui érode

La nuit  à quai

 

L’ogre aux aguets  

 

Ode qui érode

Qu’allons nous faire? 

 

Jeter  les loquets ? Les laquais?

Relooker mosquées et hoquets? 

 

Qu’allons nous faire?

 

Ode qui érode

Qu’allons-nous faire? 

Vent qui  rode 

Et ne  fait que nous défaire?

 

Qu’allons-nous faire  de la révolution finaude 

Auteure de “Dégage”‘

Au parfum fraude

 

Pourtant elle a donné au temps

Des signes, le  chant  de Dégage

Gage ” en cage”…

Même  contre le jasmin qui ment 

 

Moi, tapissé de ferveur

Je lui ai déroulé le tapis de mon cœur

Orienté à la bonne heure 

Et  maintenant j’en ai peur !

 

Alors qu’allons-nous faire? 

Un inventaire? 

Des séminaires

Sur la sève printanière

En butte au mauvais temps

Pour la mettre à l’abri de l’hiver?  

 

 La refiler au voisinage? 

 

Mettre  la vilaine graine 

En quarantaine? 

 

Quelle entreprise cruciale!

Une plainte à la cour internationale? 

 

L’expédier  en manches de chemise

Dans les terres les plus lointaines 

Et les iles  plus grises 

Pour  en temps de crise

De parfum de jasmin :

Elle leur chante “Le temps des cerises” ?

 

Lui changer  de coiffure? De  robe …

A la gloire  du globe? 

 

Qu’allons-nous faire de la révolution auteure de “Dégage”‘

Aube  qui rode ?

 Qu’allons-nous faire?

Lui sourire  de toutes nos dents ? Malgré le naufrage? 

 

Rendez- vous …longtemps  au  printemps prochain? 

 

Nous  lisons ensemble aujourd’hui un poème d’un genre bien différent de Fatima Maaouia,  étant conçu sous la forme d’un long questionnement  à teneur pathétique  posé par une locutrice qui se met dans la peau d’une guide politique face à une situation dégradée et sans issue, ce  à quoi renvoie cette  question  “Qu’allons-nous faire ?”  reprise onze fois et qui rappelle le titre  du  fameux ouvrage de Lénine Que faire ?

Le choix de cette idée maîtresse  vise , en réalité , deux objectifs distincts mais complémentaires : le premier est l’expression d’une prise de position claire,  qui est celle de la gauche tunisienne ,  sur la dite  situation , d’où le caractère militant que revêt le poème et le second , d’ordre esthétique, est la théâtralisation en one-man-show du poème  . Il s’en est suivi un long monologue apte,  sans aucun doute , à être mis en scène mais  qui ne peut , de par la nature de  son contenu , qu’être un monologue intérieur donc mental . Ce façonnage particulier du texte a eu pour effet de maintenir l’attention du  lecteur/spectateur  et  de le tenir en haleine  du début jusqu’à la fin ,  en excitant  énergiquement sa curiosité ,  d’un côté par l’amplification de l’état de crise qui prévaut dans le pays et de l’autre par la répétition en refrain de la question charnière “Qu’allons-nous faire? ” qui l’incite à continuer la lecture pour en connaître la réponse . Et encore une fois , c’est l’esprit d’engagement qui anime la poétesse qui  a été ,  à la fin , déterminant en closant le texte par  un éclair d’espoir (Rendez- vous …longtemps  au  printemps prochain?  Tout va bien ) , conformément , comme  d’habitude , à l’un des principes essentiels  du réalisme socialiste qui est la conviction en la victoire finale du peuple ou plus précisément des classes laborieuses .

Enfin , profitons de cette énième occasion  pour féliciter encore une fois  cette poétesse  qui  compte parmi les rares poètes  qui se sont réellement distingués dans le genre engagé avant et après la révolution en Tunisie sans verser dans le discours politique sec et inesthétique.

 

 

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