Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :36–Les poèmes de France Bernard:36-2: Que faire… 20 mai 2019 France Bernard Quand je me mure dans l’inaction Quand la vie du dehors m’inonde Quand je ne peux plus respirer le monde Quand mon cœur bat dans la pulpe de mes mains Quand ma musique perd ses partitions Je passe des heures au piano Tapotant sur le désaccord des touches J’étudie les sonates de l’amour La musique classique s’est éteinte Le clavier d’ivoire s’est refermé Dans la course des pleurs Le flux s’écoule en symphonie Sur mes jours et dans mes nuits … Ce titre me rappelle celui du fameux livre de Lénine, à la différence que l’objet d’incertitude chez ce leader politique russe, à savoir le plan qu’il devait mettre au point pour faire chuter le régime des Tsars était totalement opposé aux préoccupations subjectives et personnelles de notre poétesse qui se résument en un sentiment d’incapacité de contrer l’ennui et la monotonie, lesquels semblent de plus en plus s’ériger comme un véritable mal de siècle, créant chez l’individu une crise aiguë d’adaptation et d’accommodation avec le train-train quotidien. Cet état de gène qui semble, selon les propos de la locutrice, être né d’un fort attachement au goût et au genre de vie classiques qui se trouvent aujourd’hui malmenés et presque supplantés par de nouveaux styles et de nouvelles vocations sans qu’ils réussissent toutefois à s’affirmer comme de solides alternatives (je passe des heures au piano tapotant sur le désaccord des touches j’étudie les sonates de l’amour la musique classique s’est éteinte le clavier d’ivoire s’est refermé). Sommes-nous ainsi en présence d’une âme ayant un goût excessif pour le passé et qui est fortement dépaysée devant une nouvelle réalité qu’elle trouve déformée et défigurée ? Sur le plan stylistique, la poétesse , pour rendre le caractère pesant et stressant de l’ennui , a , d’un côté, usé massivement de l’hyperbole (je me mure dans l’inaction – la vie du dehors m’inonde -je ne peux plus respirer le monde – mon cœur bat dans la pulpe de mes mains…etc. ) et de l’autre, a misé, dès le début, sur les sonorités répétitives surtout l’anaphore dans les cinq premiers vers( Quand :5 fois) et le rythme interne par le recours à l’asyndète c’est-à-dire l’absence de conjonctions de coordination entre les phrases . Un poème léger , à haute charge émotionnelle, peignant un tableau mélancolique , celui de l’âme humaine au début de ce vingt-et-unième siècle . 2019-05-20 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet