Suzanne Ibrahim se vêtit d’espoir dans son recueil Un chemin blanc « poèmes suédois » par : Deema Al–Khatib -Journal “Tachrine”- Damas –Syrie 8 mai 2019 Deema Al –Khatib La dimension humaine gravite dans une orbite existentielle et revêt un caractère mystique sans se couper de la réalité. Ce sont les zones de la beauté universelle capable de dépasser tous les fossés et toutes les frontières y compris la langue elle-même et les données de la différence culturelle. La poétesse syrienne Suzanne Ibrahim, la fille bienfaisante digne de la ville de Homs et la descendante de Julia Domna comme elle aime le dire est titulaire d’une licence de langue anglaise et d’un diplôme d’habilitation pédagogique .Elle est membre de l’union des écrivains arabes et de l’association de la nouvelle et du roman. Elle a à son actif plusieurs recueils de poésie dont trois ont été traduits en français par le critique et traducteur tunisien Mohamed Salah Ben Amor qui lui consacra en plus un ouvrage intitulé La poète Suzanne Ibrahim paru dans sa collection « Figures poétiques du monde » en 2015 et dans lequel il l’a présentée en ces termes : « les poèmes de Suzanne Ibrahim se distinguent par leur clarté sémantique sans toutefois basculer dans la banalité ou l’âpreté des sens référentiels. Et ce, grâce à l’usage massif des images-éclairs surprenantes. » , comme l’illustre bien ce haiku : à titre d’exemple le mini-texte suivant : De mes armoires J’ai fait sortir des chemises Les êtres passionnés Sont alors venus Chercher leurs couleurs Lorsque Suzanne Ibrahim s’est installée depuis plus d’un an en Suède, elle s’est contentée au début d’une brève période de contemplation spirituelle au cours de laquelle sa muse s’est complètement tue après avoir écrit pendant un bon bout de temps dans son recueil Aquarelle sur la guerre, au point oû elle a inondé sa langue de pleurs , de sang et de tragédie comme elle l’exprime dans ce passage : « Voici les doigts ensanglantés de ma langue qui se mettent à m’assaillir dans le rêve. J’ai alors décidé de stériliser ma poésie de la langue des batailles et de la couleur du sang, car j’avais écrit dans le passé plusieurs poèmes sur la guerre. D’autre part, Mon auto-identification à la nature m’a poussée à me réfugier dans le silence. Et le silence appâte souvent l’esprit pour agir à travers les fenêtres des sens c’est-à-dire la contemplation et ouvre à l’imagination des fenêtres illimités. Suzanne Ibrahim a eu la certitude que son moi poétique est encore fécond et extrêmement fertile. Ainsi après avoir participé à de nombreuses soirées poétiques dans sa ville d’accueil en Suède, son cœur a débordé de gaieté devant la réaction du public à ses lectures poétiques qu’elle a assimilée au début à une simple sympathie avec elle, du fait qu’elle est syrienne. Mais elle s’est vite aperçue que ses poèmes qui abordent des thèmes éloignées de la guerre ont touché le cœur de ce public qui s’est mis à réclamer sa participation à plus de rencontres poétiques. Voila ce qu’elle a raconté à propos de son arrivée en Suède : « Après un bon moment de mon entrée en Suède, un étonnant et étrange mélange de sentiments, d’idées et de visions s’est emparé de moi. La ville était à mon arrivée toute blanche. Même le vaste lac qui s’y trouve était une surface de glace blanche. Puis, j’ai commencé à découvrir ses reliefs, ses maisons, ses rues et tous les détails de sa beauté que j’ai rencontrés pour la première fois. Tout cela m’a mis dans un état de flux affectif et contemplatif, celui qui précède d’habitude l’écriture ». La couleur blanche s’est introduite profondément dans le tréfonds de Suzanne Ibrahim et lui a insufflé au cœur son souffle de vie jusqu’à ce qu’elle l’a remplie de blancheur. La poétesse décida alors de prendre part de nouveau aux affres de l’écriture mais en s’inspirant cette fois du milieu du pays d’accueil. Quelques mois après, son recueil Un chemin blanc »poèmes suédois » a vu le jour grâce aux soins du traducteur Mohamed Salah Ben Amor qui l’a traduit en langue française le présentant en quatrième de couverture en ces mots : « Après avoir vécu dans son pays sept longues années de guerre au cours desquelles elle a échappé à deux reprises à une mort certaine et elle s’est forgé un style d’écriture alliant l’absurde au réel sur fond existentiel et mystique , la poétesse syrienne Suzanne Ibrahim, installée depuis près d’une année en Suède, entame une nouvelle phase dans son parcours poétique dont les caractéristiques les plus saillantes sont le regard qu’elle porte désormais de la rive-nord sur le monde et notamment sur son monde d’origine, le degré d’abstraction et de connotation nettement plus élevé de sa langue poétique et une représentation plus profonde des contradictions de l’existence humaine. ». Les poèmes blancs ont envahi l’obscurité qui habitait son cœur à cause de la guerre qui a été menée contre son pays. Mais Suzanne Ibrahim ne s’est pas éloignée de son style d’écriture : ses mots sont demeurés explosifs par la charge de fascination alimentée par l’usage massif d’images telles que : « mon intérieur d’angles aigus mais je ne suis pas blessante !…je suis arrondie comme d’un flot ..je suis toute des directions ». D’autre part, sa mémoire d’enfance ne l’a pas quittée. Au contraire, son esprit baptisé par la beauté de la nature a voltigé entre ses mots avant que la neige n’impose sa mainmise sur son verbe. « Septembre, son or ne lui a pas faire perdre la sagesse de la modestie »… « Il y a des millions d’épines de pin et nous ne savons pas comment coudre la blessure de la langue » ! Suzanne Ibrahim file ses mots avec un soin étonnant, nous obligeant à accompagner sa vision vue après vue et à déguster le nectar de son ivresse avec la nature blanche au point où le froid engourdit ou presque nos doigts malgré le soleil chaud du printemps, tout en suivant ses pas mot après mot et cherchant à toucher les mots avec des doigts imaginaires fins : Les sabots du renne Dessinent des cœurs sur la neige. Entre un cœur et un cœur un pas. Chaque pas en abîme un autre Et tous atteignent la forêt. La forêt a la forme d’un puits Et le puits est sans fond ! Elle a une envie ardente de voir le soleil de son pays et le courtise de derrière les rideaux des fenêtres du sentiment de l’éloignement. Elle se déplace sur des pieds nus avec la légèreté d’un papillon au dessus de tout ce qu’elle voit sans blesser la pureté de la neige qui a rendu sa poésie plus chaleureuse : En été il pousse densément. En hiver, La lumière lui coupera-t-il les cheveux ? Dans le recueil Un chemin blanc :poèmes suédois , nous voyons Suzanne Ibrahim plus libérée de ses chaînes précédentes ,plus calme et plus détendue. Sa quiétude n’est menacée que par le spectre du sentiment d’éloignement vêtu de tristesse qui s’est posé sur le bord de sa fenêtre et lui fait des signes chaque fois qu’elle se détourne de sa plume : L’absence, c’est des oiseaux rapaces Des oiseaux qui mangent la tristesse crue ! Dans les nouveaux textes contenus dans ce recueil domine un ton soufi et contemplatif. Le calme inhérent à la nature de la ville d’accueil, sa beauté et le nouveau milieu où la poétesse réside se sont tous reflétés dans l’essence de ses textes : Une lumière et un univers Lequel d’entre eux remplit l’autre ? Lequel d’entre eux voit l’autre ? C’est avec obstination et et par le bais d’une quête ininterrompue de son entité existentielle que Suzanne Ibrahim poursuit sa marche sur les mots, depuis ses recueils précédents jusqu’ à son nouveau recueil Un chemin blanc : poèmes suédois ,y laissant son empreinte qui consiste à narrativiser la poésie, ce que nous apercevons dans chaque coin de son univers poétique embaumé avec les exhalations de son âme réconciliée avec la nature : Une partie de moi est en bois. Devrais-je aller au salon de beauté Ou à la scie du jardin ? L’humanité extrêmement vaste s’est implantée dans ses textes qui l’ont fait planer loin des frontières de la géographie et vers la vastitude de l’univers , ces textes agrémentés de la singularité de la langue de la poétesse et la beauté de ses expressions à travers une évolution claire palpable dans ce dernier recueil qui se manifeste dans l’usage de moyens sémantiques chaque fois qu’elle parle d’une lutte humaine possible l’étendue de la langue ; Même si je deviens une pierre, ne me jette sur personne ! Le recueil intitulé Un chemin blanc : poèmes suédois est composé de 44 textes poétiques. Et la totalité de ces textes sont nouveaux, car son auteure les a écrits pendant son séjour en Suède, sachant que les textes originaux en langue arabe n’ont pas encore été édités. Ce recueil a paru chez Edilivre à Paris en mars 2019 et c’est le troisième de son auteure à être publié par cet éditeur après Mon cœur l’oiseau (2015) et Je suis devenue à présent une forêt (2017), tous les deux traduits aussi par Mohamed Salah Ben Amor. NB:Cet article a paru en langue arabe dans le journal”Tachrine” à Damas (Syrie) dans sa livraison du 7/5/2019 2019-05-08 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet