Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :32–Les poèmes de Mohammed Derkaoui : 32-7:L’estuaire 7 mai 2019 Mohammed Derkaoui Les eaux me savent Un univers sinueux Une montagne de sable Dont les traces s’effacent À chaque fois Que d’autres hommes passent Par une angoisse, un rituel qui tracasse. Les eaux m’accablent de déluge Coulent au crépuscule Comme une peur qui se défile Derrière les collines Et voilà les hommes sans profil Dans cette toile En peinture à l’eau me faisant signe De relire ma dernière ligne Avant d’interroger l’aquarelle Des ombres intempestives S’adulent La gouache s’amincit Orne les contours en sursis Le pinceau habile S’agite dans l’eau me regardant De près puis de loin Sous des angles aigus puis obtus Les traits affinés Est-ce une grâce À la dernière imprudence ? Je suis cette eau Jusqu’à l’estuaire Je suis l’eau m’ouvrant des itinéraires. L’un des moyens les plus efficaces dont dispose le poète pour créer l’effet esthétique recherché est le brouillement du sens global du poème ainsi que les sens partiels exprimés au niveau des strophes ou des vers ,que ce soit tout au long du texte ou pour décrire un état de tension avant de l’atténuer ou l’apaiser totalement afin de créer une surprise finale comme c’est le cas dans ce poème .Et le grand avantage de cette technique est de pousser le lecteur avisé à participer activement à l’élaboration du texte et à se libérer de sa position de consommateur passif . Pour atteindre cet objectif dans le poème ci-haut, l’auteur a abordé un thème profondément existentiel, celui du sentiment d’étrangeté que ressentent certaines personnes non seulement à l’égard du monde mais aussi par rapport à eux-mêmes. Cette méconnaissance de soi a engendré, par conséquent, dans ce texte , d’un côté, une angoisse extrêmement pesante mêlée d’appréhension et d’inquiétude (une angoisse, un rituel qui tracasse – une peur qui se défile derrière les collines – ombres intempestives s’adulent ) et de l’autre, une représentation de soi négative sous la forme d’un égo complexe et brumeux (les eaux me savent un univers sinueux une montagne de sable dont les traces s’effacent à chaque fois que d’autres hommes passent). Sémiotiquement, le plus frappant, dans ce poème, est l’utilisation des significations symboliques de l’eau qui est normalement un élément vital de base dans un but négatif ( les eaux m’accablent de déluge coulent au crépuscule).Mais ce n’est, comme nous l’avons indiqué ci-haut, qu’un subterfuge pour clotûrer le texte par une fin lumineuse (je suis cette eau jusqu’à l’estuaire je suis l’eau m’ouvrant des itinéraires).En plus de cette technique principale , le poète a finement exploité les ressources poétiques qu’offre la langue de la peinture pour donner plus d’éclat à ses images .Une bonne mention Mohammed .Félicitations ! 2019-05-07 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet