Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :32–Les poèmes de Mohammed Derkaoui : 32-2 : Tant que les étoiles scintillent…

Mohammed Derkaoui

Tant que les étoiles scintillent…
Dans les vastes champs
Berçant mon quartier modeste
J’ai appris à me connaître
J’ai vu les colombes naître
Le figuier de barbarie
Dresser ses raquettes
Les faux-bourdons se sacrifier
Les reines multiplier les colonies
J’ai façonné mes jouets
Des restes jetés dans les rues
Mon cerf-volant
Émerveillait mes yeux
Quand loin
Il m’emportait dans les cieux
Les oiseaux piégés sous mon filet
Accentuaient mes appétences fiévreuses
Quand à tue-tête
Ils criaient et zigonnaient
J’étais un enfant choyé
La pluie 
Des perles de rosée
Glissant sur mes joues
Comme sur des petits arbres forestiers
Faisait chanter les graines plantées
J’étais un homme petit
Je suis un enfant ayant grandi
Le béton est partout où je vais
Mon cœur se serre de plus en plus
Les fleurs jaunes ont disparu
Dans les vastes chantiers
Dévastant mes plantes adorées
J’ai peur des clous empoisonnés 
Plus loin 
Mes yeux ne peuvent se promener
Plus près
Des voix sèment le doute 
Dans mes acquis
Une fois mes paupières alourdies
Derrière les murailles
Une voie est frayée
D’une chorale je fais partie
Maintenant je sais
A chaque étoile qui scintille
Je dois ma vie
Bon gré mal gré

 
L’auteur de ce poème nous a habitués à ne pas s’enfermer dans un thème particulier, car, doté d’un regard scrutateur et perçant, il a constamment les yeux grands ouverts sur le monde avec ses différents aspects naturels et culturels, d’où l’extrême diversité des sujets qu’il aborde .

Dans ce nouveau poème, c’est la nostalgie de sa propre enfance et l’incompatibilité avec son présent qui le saisissent ,eu égard  au  changement monstrueux qui s’est produit, après tant d’années, autour de lui et qui a empoisonné son environnement, pour obéir à la soi-disant loi du progrès (Le béton est partout où je vais/ Mon cœur se serre de plus en plus/ Les fleurs jaunes ont disparu/Dans les vastes chantiers/Dévastant mes plantes adorées/J’ai peur des clous empoisonnés/ ).Un autre changement, sans aucun doute, plus grave :l’apparition d’une mentalité rétrograde qui menace de saper tous les acquis de la société à laquelle il appartient (Plus loin/ Mes yeux ne peuvent se promener/Plus près/Des voix sèment le doute/ Dans mes acquis). Cependant , ces deux sensations, somme toute, négatives, du fait que la nostalgie n’est qu’une fuite en arrière et que le sentiment de non-accommodation avec le réel engendre le repli sur soi qui est aussi une forme de fuite du même genre , malgré leur intensité et leur emprise sur l’âme du poète , ne l’empêchent pas d’espérer des jours meilleurs .Ce qui a permis de finir le poème sur un ton optimiste (Une fois mes paupières alourdies/Derrière les murailles/Une voie est frayée/D’une chorale je fais partie).
Sur le plan stylistique, et comme il est courant dans ce genre de thèmes, c’est la sensibilité qui a le plus d’intensité et d’effet, d’où la dominance des images calquées sur la réalité et la rareté d’images de création.

 

Répondre

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués d'une étoile *

*