Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 28–Les poèmes de Najib Bendaoud : 28 – 13 : Ma sacrée nuit hâbleuse

Najib Bendaoud

 

Quand un rêve se faufile

Doucement

Dans les méandres

D’un malheureux oubli

N’ayez point peur amis

D’un silence morbide

Un autre rêve se présentera

À vous discrètement ouvert

Avec toute son heureuse splendeur

Car le cœur n’aime pas la vide fadeur

Je déconne comme la connerie

D’un geste banal

D’un homme anxieux

Qui n’a jamais su d’où il vient

Et où il va dans cette brume

J’ai cherché les couleurs en vain

D’un bonheur enfui

J’ai attendu tous les temps esquivés 

Cette rencontre déguerpie

Et j’ai conclu ainsi  

Les mots n’ont plus de sens

Les promesses s’évadent dans le néant

Les paroles s’entassent en se vidant

Comment pourrai-je croire alors ?

A la dérobade coquine

D’un lieu sentimental vicieusement nul

D’un espace occupé par le vide

D’une nuit de son néant avide

Et de tas de choses morbides ?

Le froid de mon corps malade

N’étonne plus mes moments hallucinants 

On vit au creux des escapades malicieuses

On ne vit plus le charme de nos pas avérés

Quand un rêve s’altère

Quand des gestes se rouillent

Quand un beau regard se ternit

N’hésitez pas à changer de cap  

Tous les oiseaux du monde

Viendront planter leurs chants

Au fond de ton cœur jardiné

Au fond de ta voix bêchée

Rien au monde ne pourra ce jour là

Noyer les fruits de ta danse miraculeuse

Ni abuser de ta flemme prodigieuse  

Et je me moque terriblement

De ma nuit sacrée dans tes bras oisifs  

Et fortuitement hâbleuse

Et je ne rêve plus d’être ta joie ardente             

 

C’est un  poème  a deux facettes car il cumule un niveau  principal  de nature amoureuse  mais  relégué délibérément  au second plan et un autre secondaire d’ordre philosophique   mais qui a été mis en évidence , en lui consacrant  la moitié du texte ( 24 vers sur 48 ) . La  première facette  attire  tout particulièrement  l’attention  par la philosophie  du libre arbitre  que prône  le locuteur malgré l’expérience existentielle profonde  qu’il a vécue  et qu’il continue peut-être  à vivre et qui l’a mis en face du vide et du non-sens  (un homme anxieux qui n’a jamais su d’où il vient et où il va dans cette brume j’ai cherché les couleurs en vain d’un bonheur enfui j’ai attendu tous les temps esquivés  cette rencontre déguerpie et j’ai conclu ainsi   les mots n’ont plus de sens les promesses s’évadent dans le néant…etc.).  En effet , si  un tel état psychique  aussi  perturbé mène normalement un sujet donné  à la détresse et le fait plonger dans une dépression irréversible , le locuteur  , lui , arrive ,  contre toute attente et d’une façon presque miraculeuse à s’en défaire par la ferme  décision de changer de cap (n’hésitez pas à changer de cap   tous les oiseaux du monde viendront planter leurs chants au fond de ton cœur jardiné au fond de ta voix bêchée rien au monde ne pourra ce jour là noyer les fruits de ta danse miraculeuse ) ,ce qui est  en soi un exploit exceptionnel. Néanmoins ,  l’amplification de cette dimension philosophique n’est  qu’un subterfuge technique utilisé ar le poète pour dérouter le lecteur en lui dissimulant jusqu’au 44ème vers  sa véritable portée dans le poème qui est   la justification du pouvoir qu’il a acquis de s’affranchir de l’emprise  que l’amante avait sur lui (et je me moque terriblement de ma nuit sacrée dans tes bras oisifs   et fortuitement hâbleuse et je ne rêve plus d’être ta joie ardente    ) .

En un mot , un poème habilement construit  qui se lit et se relit avec un plaisir renouvelé !

 

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