Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 28–Les poèmes de Najib Bendaoud : 28 -7 : Rêve perdu 1 avril 2019 Najib Bendaoud Un froid dépravé ronge mes cieux Des sons débauchés érodent mon lieu Des mouches ivres endommagent mon verre Un vent malsain pervertit mon air Des feuilles mortes fêtent ma solitude La fumée de mes cigarettes m’encombre De rêves avortés Un froid immense vient loger Discrètement Ma chambre obscure Un silence bavard me tient compagnie Ce soir Excuse-moi Tulipe Mes sentiments sentent le noir Dans leurs ventres Ils sont cons Je le sais Mais ils sont vrais Comme mes montagnes d’en face Ma main a le vide dans son âme Mes pieds tremblent de ton absence Où se sont enfuis les papillons Qui ornaient mon cœur ? Où se sont cachés les oiseaux De mon arbre voisin ? Où sont les chants logeant mes espaces alléchants ? Où sont partis les sourires De mon aube hallucinante ? Tous les parfums se sont tus ! Toutes les musiques s’effondrent en douceur ! Toutes les joies se démantèlent ! Toutes les tulipes s’altèrent ! Et tous mes mots se ruinent ! A quoi bon d’attendre ce blanc du blanc ! A quoi bon d’aimer le silence de ton silence ! Le vide de ton vide ! Des nuits sans ta charmante voix ! Deux procédés principaux ont été mis en usage dans ce poème : d’un côté , il se prête aisément à la lecture recommandée par Nicolas Riffaterre qui vise à dégager l’invariant du texte et les invariants à partir duquel ils ont été générés .Cet invariant ou noyau sémantique est constitué ici de la notion d’agression qui y a pris deux formes : une agression externe faisant opposer un agresseur étranger et un agressé intime, lequel est une partie de l’univers du poète démesurément vaste ( cieux ) ou infiniment petite ( verre ) et une auto-agression dont le sujet/objet est aussi un élément de cet univers .Construit sur cette dualité, le poème se présente, du début jusqu’à sa fin, sous la forme d’une suite continue d’images puisées dans différents champs lexicaux mais reproduisant toutes la même dichotomie .Il en est résulté, dans la première partie du poème, trois longs lexiques sémantiquement liés : agression/ agresseur /agressé. Des formes d’acte d’agression externe dont a été victime l’univers du poète nous citons (ronger –éroder- endommager-pervertir- encombrer…) et des aspects sous lesquels s’est manifesté l’agresseur nous relevons 🙁 froid – sons débauchés- mouches ivres- vent malsain- feuilles mortes- fumée de mes cigarettes – silence bavard …).Et les éléments agressés sont : ( mes cieux – mon lieu – mon verre – mon air ) .Quant à l’auto-agression , elle a été pratiquée par des éléments du même univers comme suit : (les parfums se sont tus -les musiques s’effondrent – les joies se démantèlent – les tulipes s’altèrent -mes mots se ruinent) .Néanmoins , toutes ces formes d’agression ne sont qu’un alibi pour la mise en œuvre d’un deuxième procédé qui est l’amplification de l’état d’âme meurtri du poète à la suite d’une rupture amoureuse dont il a été victime et cette rupture se présente comme la cause directe de cet état .Ce qui fait que son report à la deuxième partie du texte après l’exposition détaillée de ses effets a pour but de créer un suspense très prenant . Un poème admirablement tissé par des fils sémantiques extrêmement fins .Ce qui n’est pas étrange de la part de ce poète qui se respecte en respectant toujours ses lecteurs. 2019-04-01 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet