Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 28–Les poèmes de Najib Bendaoud : 28 -5 : Gouffre pesant

Najib Bendaoud

 

 

Un froid blanc remue

En moi ce soir

Une nostalgie perdue

Dans ce noir 

Les jeux de ce monde

N’ont plus envie de voir 

Les odeurs d’un savoir

Sclérosé et vieux comme le temps    

Les nuits et les jours se succèdent

Et moi je contemple le néant  

Un gouffre pesant

Appelle mon imaginaire

A l’insolite

Une vie amère insulte

Mes rêves tenaces

Des pages d’une histoire aveugle

Abusent de mes instants

Palpitants

Accusent mes moments

Passionnants

Pourquoi nuit sordide

Ne cesses-tu pas d’accabler mon chemin

Serein ?

Ma terre féconde ?

Mon âme prolifique ?

Tous les oiseaux de mon cœur

Se sauvent pour héberger le néant

A quoi bon donc d’aimer le néant

A quoi bon donc de cajoler les oiseaux

J’ai les larmes dans ma bouche

J’ai la soif dans mes yeux

J’ai le froid dans mon ventre

Et malgré tout,

Son sourire me rappelle la joie

 

L’auteur de ce poème  dont presque tous les écrits donnent de lui l’image d’un amoureux-né, éperdument passionné de la  beauté sous quelle forme qu’elle soit, solidement attaché à la vie et surtout vouant aux filles d’Eve  un culte  sans nom, nous surprend, cette fois, avec ce regard  sombre qu’il porte sur lui-même et qui donne de lui l’impression d’un personnage tragique en rupture totale  avec le monde (un froid blanc remue en moi ce soir une nostalgie perdue – je contemple le néant  – un gouffre pesant appelle mon imaginaire à l’insolite -une histoire aveugle abusent de mes instants  palpitants…etc. )  .  Que s’est-il donc passé en si peu de temps ? Et est-il possible qu’une âme puisse virer aussi rapidement d’un extrême à un autre ? Ou il ne s’agirait que d’un état d’âme cafardeux passager provoqué par le mauvais comportement d’une bien-aimée récalcitrante et inséductible ? Ce sont là les questions que se posent  les lecteurs habitués à l’univers lumineux de ce  poète et qui les accompagnent  du titre (Gouffre pesant  )jusqu’au deux  avant-derniers vers, pour se rendre compte tout à la fin qu’ils ont été feintés de la manière la plus singulière et que son discours cauchemardesque n’était qu’un subterfuge pour amplifier l’effet apaisant et réjouissant du sourire de sa bien-aimée (et malgré tout,son sourire me rappelle la joie).Et nous voici de nouveau en plein dans l’univers radieux et optimiste de ce poète !

Un poème finement  ciselé techniquement, couronné d’une chute déroutante grâce à un usage très habile  de l’hyperbole et le passage soudain tout  à la fin de l’obscur au clair.

Répondre

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués d'une étoile *

*