Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 26–Les poèmes de Gaëtan Parisi 26 -4 : Antimatières de mes espoirs

Gaëtan Parisi

 

Le monde 

On le croit

En train de se faire

Pourtant ce monde

On le voit 

Se défaire 

Renier les convictions

Bannir les actions

Être en perdition

Dans ce monde

Je suis un électron 

Libre

Hors noyau

Je flotte ivre

Comme un bateau

A la dérive 

Destin immonde

Mon cœur bat en ondes 

Vides

Sans joyau

Arides

Comme le désert 

Le désert 

Est devenu nomade

Il erre

Austère 

Sur mes promenades

Sur les lignes de l’exil

Tenant ma vie à un fil

J’ai perdu ton terroir

Tes jardins d’abondance

Tu me prives de ton territoire

L’amour harcèle mes somnolences

A la recherche d’une existence

La vie n’a plus de sens 

Avec l’absence

Ton absence

Lapide mon corps

Encore

Encore 

Et encore

Jusqu’à 

L’asphyxie

L’agonie 

De ma géographie 

Ma vie n’est plus qu’un murmure

Le murmure 

Au goût amer 

Des vagues de pleine mer

Qui s écrasent dans le néant 

Que personne n’attend

Comme la houle

Je roule

Roule

Roule

Sous un ciel indifférent 

Il me reste la mémoire 

La mémoire 

En blanc et noir

De sentiments 

De gestes lents

De mots

Sans écho

Gravés 

Pour l’éternité

Sur le taffetas de mes cauchemars

L’antimatière de mes espoirs

 

Ce poème confirme ce que nous avions conclu à maintes reprises  à la fin de nos commentaires précédents que son auteur appartient à une catégorie de poètes dite « poètes à expérience » dont la spécificité majeure est la constance d’un thème général autour duquel gravitent  tous leurs écrits, avec la rénovation  incessante de la forme et la diversification des techniques mises en fonction .  Pour s’en convaincre encore une fois  , il suffit de voir  de près la longue première partie de ce texte qui s’étend sur les dix-neuf premiers vers   jusqu’à : ( Tenant ma vie à un fil » ) où le ton dominant est  expressément existentiel (être en perdition dans ce monde / Je suis un électron libre hors noyau / destin immonde mon cœur bat en ondes  vides  …etc. ) pour   s’interférer  ensuite subitement avec un  ton lyrique (l’amour harcèle mes somnolences à la recherche d’une existence / la vie n’a plus de sens  avec l’absence ton absence ) . Entendons-nous bien que ces deux tons sont extrêmement différents, du fait que l’existentialisme est une attitude innée de l’individu vis-à-vis de l’être et du monde basée sur la sensation de vide et le non-sens, tandis que le lyrisme est un état d’âme acquis  dû à une simple contrariété  engendrée par l’environnement. Le premier est d’ordre mental (touche le cerveau) tandis que l’autre  est de nature psychique (liée aux sentiments donc à l’âme).  Et cette contrariété,   qui est une douloureuse rupture amoureuse de la part de la bien-aimée, a été explicitement  mentionnée à partir du vingtième vers (J’ai perdu ton terroir tes jardins d’abondance tu me prives de ton territoire l’amour harcèle mes somnolences) . Concluons que ce jeu sur les tons est la première innovation dans ce poème ,  auquel nous pouvons ajouter l’idée maîtresse  à partir de laquelle le texte  a été généré qui est l’accrochement du locuteur bien qu’anéanti sentimentalement au souvenir luisant de l’époque révolue où  sa dulcinée partageait sa flamme .Et cette idée charnière a été bien dépeinte métaphoriquement en  la représentant par des mots gravés sur le taffetas des cauchemars du locuteur  , laquelle est en-soi  une image surprenante, car elle est  constituée d’un élément positif ( la soie ) et un autre négatif  ( des rêves effrayants  ).

Nous n’oublions pas,  à la fin,  de remarquer la technique du rythme utilisée dans ce poème   comme  dans tous les poèmes précédents de l’auteur :une technique  basée sur l’accourcissement des vers et la régularité des rimes tout en les diversifiant .Ce qui donne un rythme haché et rapide concordant parfaitement  avec l’état d’âme décrit .

 

 

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