Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 26–Les poèmes de Gaëtan Parisi 26 -4 : Antimatières de mes espoirs 18 février 2019 Gaëtan Parisi Le monde On le croit En train de se faire Pourtant ce monde On le voit Se défaire Renier les convictions Bannir les actions Être en perdition Dans ce monde Je suis un électron Libre Hors noyau Je flotte ivre Comme un bateau A la dérive Destin immonde Mon cœur bat en ondes Vides Sans joyau Arides Comme le désert Le désert Est devenu nomade Il erre Austère Sur mes promenades Sur les lignes de l’exil Tenant ma vie à un fil J’ai perdu ton terroir Tes jardins d’abondance Tu me prives de ton territoire L’amour harcèle mes somnolences A la recherche d’une existence La vie n’a plus de sens Avec l’absence Ton absence Lapide mon corps Encore Encore Et encore Jusqu’à L’asphyxie L’agonie De ma géographie Ma vie n’est plus qu’un murmure Le murmure Au goût amer Des vagues de pleine mer Qui s écrasent dans le néant Que personne n’attend Comme la houle Je roule Roule Roule Sous un ciel indifférent Il me reste la mémoire La mémoire En blanc et noir De sentiments De gestes lents De mots Sans écho Gravés Pour l’éternité Sur le taffetas de mes cauchemars L’antimatière de mes espoirs Ce poème confirme ce que nous avions conclu à maintes reprises à la fin de nos commentaires précédents que son auteur appartient à une catégorie de poètes dite « poètes à expérience » dont la spécificité majeure est la constance d’un thème général autour duquel gravitent tous leurs écrits, avec la rénovation incessante de la forme et la diversification des techniques mises en fonction . Pour s’en convaincre encore une fois , il suffit de voir de près la longue première partie de ce texte qui s’étend sur les dix-neuf premiers vers jusqu’à : ( Tenant ma vie à un fil » ) où le ton dominant est expressément existentiel (être en perdition dans ce monde / Je suis un électron libre hors noyau / destin immonde mon cœur bat en ondes vides …etc. ) pour s’interférer ensuite subitement avec un ton lyrique (l’amour harcèle mes somnolences à la recherche d’une existence / la vie n’a plus de sens avec l’absence ton absence ) . Entendons-nous bien que ces deux tons sont extrêmement différents, du fait que l’existentialisme est une attitude innée de l’individu vis-à-vis de l’être et du monde basée sur la sensation de vide et le non-sens, tandis que le lyrisme est un état d’âme acquis dû à une simple contrariété engendrée par l’environnement. Le premier est d’ordre mental (touche le cerveau) tandis que l’autre est de nature psychique (liée aux sentiments donc à l’âme). Et cette contrariété, qui est une douloureuse rupture amoureuse de la part de la bien-aimée, a été explicitement mentionnée à partir du vingtième vers (J’ai perdu ton terroir tes jardins d’abondance tu me prives de ton territoire l’amour harcèle mes somnolences) . Concluons que ce jeu sur les tons est la première innovation dans ce poème , auquel nous pouvons ajouter l’idée maîtresse à partir de laquelle le texte a été généré qui est l’accrochement du locuteur bien qu’anéanti sentimentalement au souvenir luisant de l’époque révolue où sa dulcinée partageait sa flamme .Et cette idée charnière a été bien dépeinte métaphoriquement en la représentant par des mots gravés sur le taffetas des cauchemars du locuteur , laquelle est en-soi une image surprenante, car elle est constituée d’un élément positif ( la soie ) et un autre négatif ( des rêves effrayants ). Nous n’oublions pas, à la fin, de remarquer la technique du rythme utilisée dans ce poème comme dans tous les poèmes précédents de l’auteur :une technique basée sur l’accourcissement des vers et la régularité des rimes tout en les diversifiant .Ce qui donne un rythme haché et rapide concordant parfaitement avec l’état d’âme décrit . 2019-02-18 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet