Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 26–Les poèmes de Gaëtan Parisi 26-3 : Amnésie fossile

Gaëtan Parisi

Je rêve  de ton image

Une lumière incandescente m’enveloppe

Comme une toile d’Anne Volpe*

C’est ce qu’il me reste de ton visage

Le seul témoin de nos festins

Quand l’amour et le vin 

Comblaient notre faim 

Faim d’entendre

Des mots tendres.

Des vapeurs d’ange

Aux couleurs étranges 

Habillent mes songes

L’envie de toi me ronge

J’imprime ton image 

Comme la décalcomanie..

De notre vie 

Sur ma peau meurtrie

Le vide m’oppresse

Ton absence me stresse

Mes mots s’épuisent

Se volatilisent

Dans le vacarme de leurs chants

Agonisants.

Aux arborescences de tes mystères

Millénaires

J’ai accroché mes espoirs  

Ecoute mes cris

J’écris 

Les palpitations de mes désirs

Sur des soupirs

Au souffle de mes repentirs 

J’écris

Des milliards de lettres

A ta fenêtre 

Pour raconter

Psalmodier

Des prières

Pour affamer mon corps

De ton âme d’or

J’écris ton souvenir

Le souvenir est le silence du présent 

Point utile de s’encombrer 

De yeux

De lèvres 

De blessures

La mémoire est une trace

Une audace

Une empreinte

Dépeinte 

Un réminiscence 

D’associations idylliques 

Les essences

Les couleurs

Les odeurs

Les saveurs 

D’un amour hérétique 

Je vis

Une amnésie fossile 

Reviendras-tu de ton exil 

Viens endosse ta veste de coutil 

*Anne Volpe: peintre et poète belge d’origine italienne.

Éprouvé lourdement  par une rupture amoureuse douloureuse , le locuteur dans ce poème se lance dans des réminiscences mélancoliques doublées de rêves et de souhaits compensatoires .A partir de ce sous-thème  commun et très classique , l’auteur a bâti son poème sur trois axes principaux : le souvenir  palpitant d’un amour révolu / un état d’âme meurtri à la suite de la rupture / le souhait  d’un  renouement impossible .Et  sous l’effet de choc causé par ce passage soudain d’un état d’extrême bonheur à son contraire  et sans aucun espoir de retour en arrière  , le discours du locuteur totalement expressif  , selon le terme de John  Searle , s’est empreint d’un mélange de regrets et de désespoirs .Ce qui a influé vivement sur le style où deux procédés majeurs ont été particulièrement mis en usage  : l’amplification de chacun des trois axes précités  (Une lumière incandescente m’enveloppe – L’envie de toi me ronge- mes mots s’épuisent Se volatilisent -j’écris des milliards de lettres à ta fenêtre …  ) et le découpage de la chaîne sonore en portions rythmiques pour la plupart courtes  (la mémoire est une trace /une audace  / une empreinte  /dépeinte  – les couleurs / les odeurs / les saveurs …)  se succédant  rapidement en asyndète ( absence de conjonctions ) comme pour transcrire la voix haletante du locuteur .Cependant , ce  n’est pas  de ces deux procédés en soi que le texte tire sa valeur  mais de  la sensibilité effilée du poète et  de  ses capacités imaginatives qui lui ont permis de concevoir des images déroutantes  et tout à fait inédites telles que ( mes mots s’épuisent se volatilisent dans le vacarme de leurs chants agonisants  –   aux arborescences de tes mystères millénaires j’ai accroché mes espoirs   – je vis une amnésie fossile … ) Encore un joyau Gaétan !

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