Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 25–Les poèmes de Philippe Lemoine: 25 – : 7 : À fleur de vent…

Philippe Lemoine

Humaine, à fleur de vent, une voile dérive…
Le peintre, ce matin, furète dans l’éther.
Effleurant de ses doigts l’inaccessible rive,
Il cueille des pigments safranés sur la mer
Qu’il étale, en bouquet, au centre de sa toile.
Baladin funambule aux croisements des eaux,
Il enlumine d’or les branches d’une étoile.
Prolixe, la peinture enchante ses pinceaux.
Céleste symphonie aux liserés des plages,
Les couleurs prennent place entre lignes et traits.
Venu des profondeurs, à mi-voix, des coquillages
Chuchotent, un à un, d’ineffables attraits.
Sur l’aplat ondoyant, l’infini déambule.
Nuances et reflets scintillent au soleil.
Dans le cœur de l’artiste une sirène ondule ;
La lumière éclabousse et la terre et le ciel

 

Ce poème nous met en face de deux peintres à l’œuvre :l’un dessinant l’autre .Le premier est le poète maniant les mots en guise de pinceaux et l’autre, un peintre réel, usant de couleurs et de traits, pour dessiner un paysage maritime (une voile dérive – la mer – eaux- plages – profondeurs- coquillages …) .Et la nature de l’objet décrit ( une toile en cours de réalisation ) a impliqué la prépondérance du visuel au détriment des traits perçus par les autres sens .Néanmoins ,si le paysage maritime peint est l’œuvre de Dieu et donc totalement séparé du peintre et du poète, sa représentation, soit par les couleurs et les formes, soit par les mots, est nécessairement empreinte de la subjectivité de ces deux artistes. Mais si nous ne pouvons accéder directement à l’activité du peintre, du fait que nous ne l’avions pas vu en train de peindre , le discours du poète nous offre, par contre, l’occasion d’y fouiner à volonté pour dégager son apport personnel à l’élaboration de la toile peinte. Cet apport consiste en une série de représentations imaginatives dont quelques unes sont façonnées par le biais de la personnification (humaine, à fleur de vent, une voile dérive – la peinture enchante ses pinceaux – des coquillages chuchotent – l’infini déambule ) partant du réel observé pour s’élever vers le mythique (une sirène ondule – céleste symphonie) et l’abstrait (l’infini déambule – ineffables attraits).Et le résultat est un tableau linguistique qui se distingue par une beauté métaphorique très soutenue et une dimension existentielle profonde donnant sur la vastitude de l’âme humaine qui est capable, dans certains contextes, comme celui qui est décrit ici, de contenir l’univers tout entier.

En un mot, c’est un poème auquel s’applique la fameuse expression du poéticien Philippe Hamon : « description de l’indescriptible » !

 

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