Les entretiens de « Culminances » :17 –Avec la poète syrienne Linda Abedalbaki 21 janvier 2019 Linda Abedalbaki Qui est Linda Abedalbaki ? Linda Abedalbaki est née en 1962 à Soueïda (Syrie). Elle incarne la femme de lettres au sens propre du mot. Elle possède une maison d’édition solide et bien ancrée dont les activités n’ont pas été suspendues tout le long de la guerre et dont les publications arrivent à la plupart des pays arabes et a un salon littéraire qui se tient qui se tient régulièrement une fois par mois . Elle est la fondatrice de l’association de la pureté culturelle dont le siège se trouve dans sa ville natale : Soueida et la directrice de son conseil d’administration. Son écriture foisonnant de connotations et d’écarts inédits se caractérise par une quête permanente d’images symboliques déroutantes. L’ensemble de ses écrits place sa poésie au cœur des préoccupations existentielles de l’Homme contemporain, tout en laissant filtrer un mélange de tristesse furtive et de pessimisme latent. Ses recueils de poèmes : La rose du feu – Pour qui se courbe le peuplier ?- Une chanson pour un dernier soir- Le verdoiement me prend par les hanches -Le hennissement de mon silence – Sur le lit de mon éveil. Question 1 : Je m’adresse d’abord à Linda la poétesse avant de m’entretenir avec Linda l’éditrice et l’animatrice culturelle…Vous faîtes partie des poètes qui ont choisi de s’aligner en faveur du poème en prose au détriment des deux autres genres : le classique et le libre et qui n’ont écrit que dans ce nouveau genre ou presque et vu que vous avez publié jusqu’à ce jour sept recueils , on peut dire que vous comptez parmi les représentants du poème en prose en Syrie. Comment expliquez-vous ce choix ? Est-il dû à l’influence des deux grands poètes syriens qui se sont distingués dans ce genre, à savoir Mohamed Al-Maghout et Adonis ou bien découle-il d’une prise de position intellectuelle contre la poésie classique et la poésie libre ? Linda Abedalbaki : Dans mes recueils déjà parus, le lecteur peut trouver des poèmes appartenant aux trois genres de poésie :classique, libre et en prose. Mais la plupart de mes écrits poétiques sont du troisième genre et des haïkus. Et j’explique cela par le fait que la poésie constitue, pour moi, l’un des plus importants champs de la conscience humaine, voire le véritable pouls du créateur. C’est une passion méta-esthétique pour tout ce qui est fascinant, absurde, inexistant et différent. Et c’est sur cette base qu’on a fait la distinction entre la poésie et la prose .Quant à moi, j’essaie de piquer le tissu poétique afin de le réveiller, en créant des formes que j’introduis au moyen d’une sorte d’opération réanimatrice et novatrice dans le corps du poème, afin de réaliser la fermentation de l’état poétique. Et la coexistence des trois genres est pour moi nécessaire pour que je ne perde pas l’étape que représente chacun d’eux, du fait qu’ils revêtent tous une grande importance pour la dialectique de l’étape actuelle. Mon poème est un ensemble d’espaces, de forêts, de sources …C’est l’empreinte de mon être, la sincérité de mes ressentis, car j’écris ce qui se passe à l’intérieur de mon tréfonds et se reflète sur le miroir de mon âme, étant convaincue que la plus belle poésie est la plus sincère et que la fonction de la poésie est la recherche de ce qui est différent par rapport à l’ordre établi, le combat contre le figement de la langue, la transplantation de nouveaux gènes et des miroirs éclatants dans ses entrailles ,capables de lui rendre son charme, afin que la poésie demeure la gardienne fidèle de notre âme et pour que nous puissions réaliser une similitude parfaite entre la beauté de la langue et notre vie. La fonction de cet art est de découvrir ce qui est inconnu sans jamais définir les choses par ce qui est connu et sans chasser les gazelles momifiées. Cependant, je reconnais que je m’éloigne le plus souvent de la poésie classique. Et cela est dû à la sévérité exagérée des versificateurs qui s’adonnent à ce genre de poésie , à leur hostilité vis-à-vis de la modernité et à leur manie d’appeler la versification “poésie” et de défendre cette idée erronée par tous les moyens comme s’ils roulaient autour d’eux-mêmes sans quitter leur place, car ils ne font pratiquement que momifier leurs poèmes. Ma poésie demeurera la langue de mes ressentis que j’inspire du cri de mon silence…je demeurerai Ishtar semant le verbe pour que le poème pousse tout vif et resplendissant de beauté et me fasse monter avec lui au huitième ciel. Enfin, j’ai toujours fait et je ferai toujours mon possible pour ne pas subir l’influence des grands poètes afin que la poésie me donne mon identité spécifique. Question 2 : Dans vos poèmes sur le plan thématique prédominent les préoccupations existentielles. Cette orientation est-elle due à la guerre, du fait qu’elle pousse généralement l’homme à réfléchir profondément sur le devenir et sur la relation du moi avec l’autre et le monde ? Ou bien découle-t-elle de la nature de votre disposition psycho-mentale personnelle ? Linda Abedalbaki : « Je souffre donc je suis », c’est le trait qui nous a envahis pendant les années de crise et de guerre. Pour cette raison, les pas du poème ont saigné et la plupart des écrits des poètes se sont remplis de vocabulaire de guerre. Cependant, les mots dénotant l’affection et l’amour ont envahi les miens et s’en sont emparés .Et ces mots ne disparaîtront pas, parce qu’ils sont le miroir de mon âme et les battements de mon pouls.Ils véhiculent la voix féminine qui jaillit de mon tréfonds et le cri de mon silence, dans une langue affective et existentielle sous forme d’expressions pleines de sensibilité. Je parle, bien entendu, ici, du moment où se déverse le poème telle une pluie d’été chaude favorable à faire pousser le verbe .Et étant donné que les bases de tout beau poème sont la culture, le talent, la souffrance et la langue solide , j’essaie de toutes mes forces de faire de mon poème l’empreinte de mon Moi. Et c’est pour cela que je n’écris jamais sur les autres personnes, car je crains toujours que si j’écris sur quelqu’un, il pourra un jour changer de comportement et dans ce cas mon poème me le reprochera. Et la seule exception était mon père à l’occasion de sa mort qui m’avait fortement affligée au point où elle m’avait inspiré un émouvant poème .D’autre part, la poésie authentique doit , à mon avis, traiter les sujets concrets et abstraits à parts égales et jamais les uns au détriment des autres, pareillement à la sève montante qui reproduit les éléments de la nature et les transforme en éléments abstraits et d’autres dotés d’une force métaphysique. C’est ainsi que le texte flamboie au point où ce qui nous apparaît à sa surface constitue en même temps sa structure profonde. Je dois souligner aussi que pour créer une nouvelle poésie , il fait se doter d’une nouvelle vision et cette vision doit englober l’univers, l’existence, l’homme et la langue ainsi qu’une conception personnelle de l’existence et de la connaissance. Enfin , tout en enrichissant et en approfondissant le dialogue avec mon époque et ma génération , je ne cesserai pas de m’investir à résoudre l’énigme épineuse de la poésie, cet art linguistique vagabond presque indéfinissable. Et ce, dans le but de faire évoluer la psychisme humain et lui assigner la place la plus élevée possible . Question 3 : Votre poésie se fonde essentiellement sur l’usage de la technique dite de fascination et de surprise par le biais d’images inédites. Cette technique est l’une des plus difficiles qui soient dans l’art poétique. Planifiez-vous vos idées et vos images avant d’écriture de vos poèmes ? Ou bien surviennent-elles spontanément dans votre esprit ? Linda Abedalbaki : Ma poésie c’est mon âme à travers l’écoulement du verbe …c’est aussi le battement de mon pouls. Entre elle et moi il y a un cordon ombilical inébranlable grâce à l’harmonie qui règne entre mes mots et leur musique interne. Lorsque je me mets à écrire, la réserve poétique qui s’est constituée en moi pendant des décades insuffle des ondes mystérieuses dans les profondeurs de mon expérience avec la langue. D’autre part, ma poésie possède une couleur … un aspect … et une énergie qui se mélangent avec ma spécificité affective pour me donner une sorte d’identité ou de type spécial d’écriture ou de style singulier. Ainsi après que je prends possession de mes outils, ma voix et ma couleur personnelle, je me sens en mesure d’apporter ma touche poétique magique et les sonorités de mes mots se mettent à s’ordonner d’une façon géométrique à l’intérieur de mon être, annonçant la naissance de mon poème et sa luminosité. Ceci étant, j’ai toujours eu la conviction que le poète est celui qui crée sa matière, sa langue spécifique et sa propre expérience pour pouvoir planer très haut, à condition qu’il s’abstienne à confectionner artificiellement le texte et la phrase. En effet, le jet affectif émanant de l’être garantit la sincérité des sentiments et le charme du sens surtout lorsqu’il est secondé par un esprit philosophique de nature à reconstituer la vie avec des yeux ouverts sur l’époque en cours. Quant au texte poétique en soi, il se compose, à mon avis, de couches stratifiées bien structurées. Et cette structuration est d’ordre épistémologique et ne peut être réalisée que par le biais de l’expérience et la culture .Enfin , ces deux éléments ensemble :affectif et culturel donnent au texte une voix, un pouls et un rythme spécifiques et permettent au poète de créer et d’insuffler à la langue un élan novateur, la doter d’une rhétorique sans précédent et façonner le verbe suivant le mode le plus harmonieux qui soit avec l’âme du poème. Il est à remarquer dans ce contexte qu’il n’est pas facile de faire de la poésie un art pur, car pour y arriver, il faut posséder une grande énergie poétique émanant d’un être qui croit dur comme fer que le salut est dans la poésie. Je dois mentionner aussi qu’il est parfois facile d’arriver au sommet mais il est très difficile d’y rester et de ne pas dégringoler. Enfin , tout mon objectif dans ce que j’écris est de créer une poésie fascinante, belle, étrange et inédite. Question 4 :Je m’adresse maintenant à Linda l’éditrice. Je vois personnellement que l’activité de votre maison d’édition n’a pas été entravée par la situation difficile qui prévaut en Syrie à cause de la guerre. Peut-on en conclure que le lecteur syrien continue à se procurer le livre malgré cette situation ? Ou bien y’a-t-il d’autres causes ? Linda Abedalbaki: Linda la poétesse ne diffère pas de Linda l’éditrice parce que l’édition me permet d’approfondir mon expérience poétique. Et j’ai choisi ce métier pour demeurer en contact avec les écrivains, le livre, l’entre lignes et l’entre mots qu’ils soient poétiques ou en prose ou appartenant à la critique littéraire. Pendant la crise, le livre était et demeure encore le refuge sécurisé et une échappatoire, loin de tout ce qui est ennuyeux et de tout ce qui crée un état tensionnel comme les situations sociales, les conditions de vie, la télé, les informations et les explosions, vers des pages claires de nature à emporter le lecteur vers la sérénité et la quiétude, vers un monde calme qui coule entre ses doigts doucement, vers un monde inaccessible à la destruction et regorgeant de vie et de beauté .Les coupures continues de l’électricité y étaient sans doute pour quelque chose, car rien n’est meilleur compagnon capable de vous procurer le confort chaleureux qu’un livre qui illumine l’esprit ou une bougie qui éclaire le verbe, sachant que la crise touche presque tout le monde arabe. L’activité de ma maison d’édition n’a nullement été entravée aux deux niveaux syrien et arabe du point de vue impression et édition mais elle a été lourdement affectée sur le plan de la diffusion, parce que le livre syrien tout comme le citoyen syrien a été touché gravement par la politique de rigueur et d’austérité et frappé par la malédiction de la crise, sans compter que les mass-médias ont tourné le dos à la culture, aux nouvelles publications et aux créateurs sous prétexte de s’occuper de la crise .Et ce délaissement a aggravé la crise à l’égard de tout ce qui est œuvre de création, beau et criant de vie. Heureusement, qu’il existe en Syrie une catégorie sociale obsédée de lecture et qui entretient une relation étroite avec le livre même au détriment du pain. Et cette catégorie sociale constitue l’ossature de la société syrienne et fait sa force. Quant à moi en tant qu’éditrice, j’ai défié la situation avec la puissance du verbe, le considérant comme l’arme la plus efficace dans ce combat, en organisant une exposition permanente au siège de ma maison d’édition, en plus des expositions ordinaires qui se tiennent dans les centres culturels et des séances de dédicace au profit des auteurs et à l‘occasion de la parution de chaque livre. J’ai organisé également en marge de la tenue des grands festivals des expositions et des séances de dédicace consacrées aux auteurs arabes non-syriens .Et tout cela pour défier la situation qui prévaut dans le pays par le biais de la consécration de la culture dans le but d’attirer un grand nombre de jeunes vers la scène culturelle loin du désastre et des armes. Question 5 :Le plus grand problème auquel la littérature arabe fait face aujourd’hui est la fermeture de plusieurs réseaux de distribution de livres entre les pays arabes. Que faites-vous face à cette situation ? Et avez-vous une idée sur la circulation des livres publiés par votre institution dans ces pays ? Linda Abedalbaki :Bien entendu il s’agit là d’une grande souffrance. Et il est bien difficile que la culture soit dépendante de la politique comme , à titre d’exemple, le refus du livre syrien par certains états ou la manière avec laquelle ils traitent les maisons d’édition syriennes et qui n’a aucun lien avec la culture et la littérature ou la manie de certaines maisons d’édition d’inonder le marché de livres religieux par souci de s’accommoder aux évènements. Toutes ces pratiques nous font revenir plusieurs siècles en arrière, sans compter la cherté des prix du transport, des billets d’avion, des réservations, le nombre dérisoire des visiteurs des foires et des salons de livres et la situation financière dégradée de ceux-ci .Dans un passé proche, les institutions participaient à l’achat des livres mais aujourd’hui elles souffrent de la même crise financière. Et pour tenir nos promesses à l’égard des auteurs concernant l’exposition de leurs livres dans foires de livres, nous y participons à nos frais et nous nous contentons de troquer nos publications avec celles d’autres éditeurs même à moitié prix afin d’honorer notre engagement à faire parvenir les auteurs par le biais de la foire aux autres pays arabes. Question 6 : Étant donné que vous écrivez surtout le poème en prose, ce choix influe-t-il sur la nature des recueils de poésie que votre maison édite ? Ou bien publiez-vous aussi la poésie libre et la poésie classique ? Linda Abedalbaki : Comme je l’ai dit plus haut, j’ai écrit dans ces trois genres de poésie mais je suis plus encline à écrire le poème en prose, ce qui m’a valu d’être appelée depuis plus d’une dizaine d’années dans le milieu littéraire syrien« La poétesse de l’éclair» c.à.d. du haïku. Et cette dénomination de l’éclair vient du fait que les poèmes très courts ainsi appelés se distinguent par la condensation de l’idée, la profondeur du sens et l’effet de fascination. Le poème en prose est une structure poétique dotée d’une unité organique et se caractérise par la simplicité de sa composition et sa haute condensation sémantique. Ses formes rythmiques effacent le temps et l’espace par l’usage du rythme mental et le rythme formel et il y a aucun lieu de faire des explications ou des digressions. Et l’alternative rythmique peut venir de la métaphore, de la répétition, du parallélisme, du contraste, des portions récurrentes, de la forme circulaire, ce qui lui permet de se suffire de lui-même. J’ai utilisé personnellement tous ces procédés et vous les avez perçus clairement pendant la traduction de mes textes. J’ai écrit le poème en prose avec des fréquences douces qui m’ont permis de briser l’absolu afin que le poétique brille entre ses plis et paraisse déroutant et saisissant, tout en m’attelant à aiguiser l’imagination et la fertiliser par le biais de la langue et des figures rhétoriques (comparaisons, métaphores, allusions ) sans m’appuyer sur la canne de la métrique par l’usage de ce qu’on appelle la musicalité métrique ,des rimes et de la forme géométrique régulière et monotone , ces procédés qui se sont transformés chez la plupart des poètes en outils de versification alors que la vraie poésie est une rébellion contre la langue afin de dire ce qu’elle ne dit pas .C’est la zone de danger dans la conscience humaine et de l’étincelle dans la langue. C’est la vibration des cellules des mots afin que se produise un nouveau jaillissement .Les poètes classiques sont restés cloués à leur place et ont combattu toute innovation, se cloîtrant loin de la langue poétique moderne sans se rendre compte que la poésie lorsqu’elle est dénuée d’images surprenantes devient blême et chétive, si elle est dépourvue de composition architecturale englobant les idées et les images elle n’est que verbalisme et pédantisme, ce qui la ferait sombrer dans l’inertie mentale et présenterait un état hostile à une génération de créateurs qui finira par rejeter sans aucun doute ces versificateurs, car la roue du temps ne tourne jamais en arrière. Pour toutes ces raisons, ma maison d’édition penche plutôt pour le nouveau et l’innovation, pour les générations montantes de créateurs, loin des esprits inertes qui ne reconnaissent pas les autres. Question 7:Vous possédez un salon culturel très actif. Ses activités se complémentent-elles avec celles de votre maison d’édition …c’est-à-dire que la maison ne publie que les ouvrages des membres du salon et que les programmes du salon ne visent qu’à faire connaître les publications de cette même maison ? Ou bien chacune de ces deux institutions est-elle indépendante de l’autre ? Linda Abedalbaki : Le salon n’est pas lié à la maison d’édition. Et sa création est antérieure à celle de la maison de plusieurs années. Il avait été inauguré par l’artiste syrien de renommée mondiale Ghassen Messaoud qui avait parlé à cette occasion de l’universalité et du théâtre. Tout juste après, je m’étais mise à inviter de grands créateurs tous arts réunis : poésie, roman, théâtre, musique, arts et ce, dans le but de faire profiter les nouvelles générations des expériences des illustres créateurs dans ces domaines par le biais de dialogues directs avec eux. Parmi ces invités, je cite Salah Ilmani le traducteur des romans de l’écrivaine chilienne Isabel Allende, le romancier Fadhel Al-Rbii ,le poète Yahia Smaoui, les musiciens Hassin Sebsi et Chadi Achouch ainsi qu’un groupe de sculpteurs arabes et étrangers dont Mustapha Ali et Akthem Abdelhamid.Certes, je ne peux me rappeler de tous les invités qui s’étaient succédé au salon pendant huit années et à raison d’un invité par mois …En réalité , ce salon est une tribune destinée, en premier lieu, à affûter les talents des jeunes créateurs, afin qu’elle soit pour eux une sorte d’embarcation de traversée qui les mènerait vers de meilleurs rivages où ils pourraient gagner plus de notoriété .Le quinze de chaque mois est devenu pour ces jeunes une occasion en or pour se trouver dans une ambiance extraordinaire où règnent l’intimité et la diversité , car les habitués du salon forment une merveilleuse famille culturelle dont les membres sont liés par un dénominateur commun important : la sublimité du verbe. Et je fais tout mon possible pour les traiter tous avec équité, afin d’éviter de créer des rancunes ou des tensions, soit entre eux, soit à mon égard, ce qui a contribué à instaurer pendant toutes ces années une atmosphère de paix et de pureté…Cependant ,rien ne compte dans mon salon à part la valeur de ce que ses membres produisent. Et là , il n’y a de place que pour la critique et la franchise . D’autre part, la séparation totale entre le salon et la maison d’édition a été dictée par le fait que les activités du salon doivent rester purement culturelles et complètement désintéressées. Pour cette raison, nous y annonçons aussi la parution des ouvrages publiés par des maisons d’édition autres que la mienne et sans mettre aucun livre à la vente. Question 8 : Vous avez publié en France un recueil de poésie en langue française. Que ressentez-vous au moment où votre poésie est parvenue aux lecteurs dans la rive –nord de la Méditerranée et la ville des lumières ? Linda Abedalbaki : Le plus grand avantage dont j’ai bénéficié de ma présence et de mes activités dans les réseaux sociaux est que mes textes poétiques sont arrivés à votre noble personne et qu’un choix de ces écrits ont eu la chance d’être traduits par vos soins vers le français , ce qui leur a valu de paraître chez Edilivre en France. Ensuite, je reconnais que le plus important exploit que j’ai accompli dans ma vie était de m’avoir sélectionnée dans votre prestigieuse anthologie de poésie mondiale et d’avoir fait parvenir mon identité poétique aux cinq continents ainsi qu’aux demeures de cette élite de poètes du monde, grâce à quoi j’ai vu se réaliser un rêve auquel je ne pouvais même pas penser .Et ce qui fait encore mon bonheur est qu’une fois je vous avais demandé de traduire quelques poèmes de l’une de mes amies mais vous m’aviez répondu que vous ne traduisez jamais sur demande ni contre de l’argent, me rappelant que vous aviez traduit mon recueil Sur les rives de la nostalgie sans que je l’eusse demandé. Vous m’aviez dit aussi à cette occasion que ce qui vous avez poussé à traduire mon recueil était uniquement votre conviction de la bonne la qualité de ma poésie. J’ai ressenti ce jour-là qu’il existe encore du bien dans ce monde et qu’il y a encore des personnes fidèles aux causes nobles. Question 9 : L’autorité des réseaux sociaux a brisé celle des médias officiels et les unions des écrivains, car le poète ou l’écrivain a dorénavant la possibilité de gagner un large auditoire hors de son pays où il est presque inconnu .Et contrairement à cela, des poètes et écrivains dont les médias officiels amplifient l’image restent inconnus hors de leurs pays .Cet état de fait est-il positif ? Ou bien est-il négatif, car il se peut qu’il engendre une grande confusion et cause un embrouillement grave sur la plan des valeurs artistiques et intellectuelles ? Linda Abedalbaki : Les responsables des tribunes culturelles se mettent dans la plupart des cas sous la lumière des projecteurs de la notoriété aux dépens des vrais créateurs. Mais heureusement ils ne tardent pas, en général, à brûler dès l’instant où ils quittent ces tribunes. N’oublions pas aussi les intérêts communs et réciproques basés sur le principe “donnant donnant”. Et ce qui me fait sincèrement de la peine est que ces responsables éliminent les jeunes talents et les anéantissent .En effet, nous assistons tous à la consécration répétée des noms de ces responsables et de ceux de leurs amis et à leur mise en avant dans les mass-médias ainsi que dans les institutions culturelles. Et cela dure jusqu’à l’expiration de leur nomination à la tête des tribunes ou de leur élection. Et étant donné que la date de cette expiration est gravée dès le début sur le siège qu’ils occupent, ils font tout pour assassiner la littérature et soumettre la critique à leur volonté, afin de profiter à fond des postes qu’ils occupent. De ce fait, ils élèvent délibérément des barrières devant les vrais créateurs, tandis que grâce aux réseaux sociaux plusieurs écrivains et poètes qu’ils ont marginalisés ont pu traverser les mers et les océans et atteindre différents pays du monde où leurs textes ont connu un grand succès. Pour cette raison , les réseaux sociaux constituent sans contestation aucune un espace vaste et libre pour tous les créateurs sans qu’ils aient besoin d’intervention ou de médiation. Et grâce à ces réseaux, le seul passeport pour les créateurs est le verbe et le texte de qualité, sachant qu’ il y a eu toujours des lignes croisées entre le créateur et le récepteur, lequel demeure l’unique terre fertile pour la création authentique, ce qui est en soi , à mon avis, un phénomène très positif puisque il contribue à rendre à chacun ce qu’il mérite. Question 10 :Quels sont vos projets proches et lointains ? Linda Abedalbaki : Parmi les projets proches et qui sont sous presse une pièce de théâtre poétique intitulée La table de Satan qui aborde la relation de l’homme oriental avec la femme laquelle n’est pour lui qu’un simple moyen pour assouvir un désir passager ne touchant point le fond spirituel commun , ainsi que le regard qu’il porte sur elle à travers cette relation, vu que ce sont les femmes et non les hommes qui assument la responsabilité de l’honneur oriental et il s’en suit que la femme après une relation prohibée avec un homme subit une déception douloureuse tandis que le mâle – Et je ne dis ici « l’homme » parce que la virilité est une valeur élevée – s’en enorgueillit . J’ai aussi sous presse un roman intitulé Une larme sur la dernière ligne qui décrit la réalité amère de la guerre menée contre la Syrie et l’ébranlement psychologique qu’elle a occasionné à la génération montante et un recueil de poésie intitulé Je me vêtis de toi comme un cri et ce titre a sens possibles :le secret de la naissance du poème , la patrie et l’état amoureux le plus douloureux. Ces trois livres paraîtront aux éditions Linda au cours des prochains mois de l’année 2019. S’ajoutent à ces ouvrages les festivals périodiques mensuels qu’organise la maison Linda en collaboration avec l’association de la pureté culturelle et le club culturel de Linda , en plus de l’organisation de plusieurs expositions de livres et la participation à d’autres expositions en Syrie et en d’autres pays arabes où nous avons déjà des représentants. A la fin de cet entretien, je vous exprime ma gratitude et ma reconnaissance pour le mélange culturel que vous créé au niveau des cinq continents et parce que vous êtes la voile de passage pour tout beau produit littéraire et le père clément des mots sublimes. 2019-01-21 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet