Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :8 – Les poèmes de José Le Moigne :8 -9 : Hommes

José Le Moigne

 

 

           Il y a des hommes

   aux yeux d’une étroitesse pâle 

         qui ravaudent la pluie

        pour justifier l’absence

 

         des frontons éclatés

           des étoiles nubiles

 

         des têtes à trancher

     dans l’absolu des signes

 

 

Si l’on se tient  aux contenus et formes des textes que nous avons eu l’occasion de lire à ce poète, il semble appartenir à une catégorie de poètes qui se laissent entraîner, au moment de l’écriture , par leurs pensées et rêves, offrant ainsi à leur inconscient l’occasion de s’exprimer à fond. Et étant donné que le langage de l’inconscient est essentiellement symbolique, il n’est pas sûr qu’il soit saisi dans sa totalité par le poète lui-même. Dans ce nouveau mini-poème, par exemple, il parle d’un genre  très particulier d’hommes donc d’un type de personnes  qui se distinguent forcément des hommes communs . Par quoi dirions-nous ? Il nous répond : par “l’étroitesse” et “la pâleur” de leurs yeux .Remarquons, tout de suite, que l’étroitesse des yeux est  un signe d’intelligence et de présence d’esprit. Et la preuve en est que  par le qualificatif  “homme aux yeux étroits” (  Akhfach ) , on a dénommé trois grands grammairiens arabes anciens ( le grand El Akhfach , l’Akhfach cadet   et  l’Akhfach junior) .Quant à la pâleur  des yeux, elle est due évidemment au manque de sommeil causé par les longues veillées .Ne qualifie-t-on pas les poètes aussi de pâtres d’étoiles ? Et ce qui appuie cette  interprétation méliorative de l’identité de ces personnages est le genre de fonction qu’ils assument : « ravaudent la pluie «  (coudre, raccommoder, rafistoler) laquelle exige la méticulosité et le raffinement en plus de son action de fertilité et de génération .Et l’un des caractéristiques de cette fonction est  aussi l’état d’absorption profonde dans  le monde abstrait du sens (l’absolu des signes )  où l’attention du poète est constamment accaparée  par l’amour du monde et des Autres c’est-à-dire par le Bien , ce qui est de nature à l’immuniser contre les idées agressives (  des têtes à trancher ) ou destructrices (des frontons éclatés ) ou vicieuses (des étoiles nubiles ).

Un poème hermétiquement symbolique, d’une opacité extrême  qui lui a conféré un haut degré de poéticité.

 

 

 

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