Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :13 – Les poèmes de Karmanda Maghi :13 -1 : Le silence de toi… 31 mai 2018 Karmanda Maghi Quand le silence lourd appesantit mes soirs Que j’espère tes mots, en horizons d’espoir Eclipsant la noirceur d’une nuit privée d’astre Mille diamants brillent, virevoltent au vent. Comme si l’univers coulait en lactescence, Toute vie se suspend, empreinte de silence Et le temps, lentement, un instant se distend. Une lettre de toi, quelques mots, un peut-être Et l’astre de mes jours s’éveille sur le tard Le sol était miroir des pensées taciturnes Et chaque mot de toi éclaire mille lunes. Redessine les matins où se nouaient nos mains Même si l’incertain a forgé nos silences Persiste l’idée de toi, dans ma vie, ta présence. Sans ton suc, sans ta sève, tout en moi est néant. Dans nos yeux en miroir, là, quand renait l’espoir, Mille diamants brillent, virevoltent au vent. Reviens froisser les draps, Viens y chasser les brumes Fais briller mille lunes, en miracle de toi. Ce poème montre encore une fois la nécessité de faire la distinction totale entre la personne de l’auteur (celui ou celle qui a écrit le texte) et le locuteur (ou locutrice ) ( celui ou celle qui parle dans le texte ), un point sur lequel insiste la critique moderne et que la critique classique en a toujours fait fi. En effet , ici , le poème a été, bel et bien, écrit par une femme mais qui emprunte la voix d’un homme, non sous l’effet d’une tendance perverse quelconque mais comme un simple procédé technique pour mieux endosser le rôle d’un personnage et le vivre de l’intérieur .Néanmoins, cette démarcation par rapport au personnage pose le problème délicat de définir l’essence de l’art en général :est-il une création qui surgit nécessairement du fin-fond de l’auteur(e )ou un travail compassé et artificiel pareil à la fabrication d’un objet artisanal .L’auteure nous répondrait, sans doute, que remettre ce procédé en question nous ferait nier l’authenticité et la profondeur de toutes les grandes œuvres théâtrales et romanesques , étant donné que ces deux genres reposent essentiellement sur l’usage de cette technique .Et là, il est utile de rappeler, encore une fois, que cette auteure est avant tout une romancière dont le parcours est reluisant qui eut l’idée de venir séduire les muses, à ses temps vacants peut-être, d’où cette manie d’écrire des vers avec l’âme d’une narratrice ou d’une actrice .Ce qui ne manque pas, à notre avis, d’originalité .Quant au poème qu’elle nous propose cette fois et qui est, selon ses dires, inédit, elle y incarne le personnage classique d’un amoureux fou dans un moment d’excitation extrême, doublée d’un ébranlement violent du dispositif émotionnel ( quand le silence lourd appesantit mes soirs – la noirceur d’une nuit privée d’astre – le sol était miroir des pensées taciturnes) à cause, selon quelques signes épars semés ici et là dans le texte, d’une rupture ou d’un éloignement temporaire dû à une mésentente (redessine les matins- reviens froisser les draps).Ce thème, très commun et conforme à la conception mythique grecque de l’amour, selon laquelle, les âmes avaient à l’origine la forme d’une sphère puis se sont scindées en deux et chaque moitié ne retrouve son calme et son équilibre affectif que lorsqu’elle s’unit de nouveau à son autre moitié , n’a jamais, malgré tout, perdu de son attrait, même dans les pays où les valeurs matérielles ont pris le dessus sur les valeurs humaines, étant donné qu’il touche le fond de “l’éternel humain” .Et en plus de la charge émotionnelle intense qu’évoque l’état languissant de ce personnage privé de sa bien-aimée, la poétesse a tenu à fignoler les deux textures métaphorique et rythmique : la première par l’usage massif de l’hyperbole et le passage de l’infiniment petit à l’infiniment grand , dans le but d’amplifier à l’extrême la frustration que ressent le personnage (le silence lourd appesantit mes soirs- comme si l’univers coulait en lactescence – une lettre de toi, quelques mots, un peut-être et l’astre de mes jours s’éveille sur le tard – chaque mot de toi éclaire mille lunes- sans ton suc, sans ta sève, tout en moi est néant. …)et la deuxième c’est-à-dire la texture rythmique par l’utilisation du parallélisme ( rapprochement de phrases ou de propositions possédant une structure grammaticale semblable )( trois vers commencent par la conjonction “et” : Et le temps/ Et l’astre/ Et chaque mot ) , de l’apostrophe ( figure de rhétorique par laquelle on s’adresse directement aux personnes ou aux choses personnifiées) (redessine les matins- reviens froisser- fais briller mille lunes- viens y chasser les brumes ), en plus du l’usage presque régulier des rimes . Un poème théâtralisé bien réussi !Bravo Jacky !Il nous faudra t’arracher au roman pour que tu te consacres entièrement à la séduction des muses ! 2018-05-31 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet