Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :12 – Les poèmes de Fatima Maaouia :12 -2 : Chevrotine

Fatima Maaouia

 

La chevrotine, épicerie fine

De Qatar a bouffé comme caviar ma rétine

Les collines se ratatinent …

 

Poison khôl qui pleut

Et déchire le ciel de la prunelle de mes yeux

 

Poison khôl qui pleut

La couleur du ciel n’est plus bleue

 

Ils ont pris mes biens les plus précieux:

Mon âme et mes yeux

 

Mais mon pays sous le feu

Mon pays  merveilleux

De lieu en lieu

En moi  nid rêvé

 

Par mille et un nœuds

Rivets

Accrocs, rires et  bleus

A moi… rivé

 

Jamais ne sera eux

 

Contrairement aux poèmes ultra-longs habituels de l’auteure qui exigent sans aucun  doute de sa part un effort considérable, ce poème appartient à une nouvelle série qu’elle a commencé à publier dernièrement,  qui se distingue par la brièveté et la spontanéité  et dont la technique est tout-à-fait différente. Il ne s’agit probablement pas d’un changement radical dans l’orientation poétique de l’auteure mais tout simplement d’un besoin urgent d’un genre nouveau  qui lui permettrait  de se soulager des tracas du moment . En effet, militante progressiste de la génération des années soixante-dix  et après avoir accueilli la révolution comme un grand événement salvateur,  la poétesse n’a pu cacher sa déception immense et fort douloureuse  devant la tournure qu’a eu cet événement. Ce qui a créé chez elle ce besoin vital de respirer par les mots et de réagir instantanément aux désagréments  du moment. D’où la légèreté  de ce poème, la simplicité de l’idée qu’il illustre par le biais de symboles  facilement déchiffrables (chevrotine – poison khôlrivet ) et l’attitude claire qu’il exprime à l’égard de la situation dégradée et dégradante qui prévaut  dans le pays . Sur le plan esthétique, l’auteure est de  ces poètes qui  s’attachent vigoureusement aux nobles lois de l’art  et ne basculent jamais dans la facilité,  contrairement à certains versificateurs et ” écrivants ” de chez nous qui ont essayé d’enfourcher niaisement la révolution mais qui se sont heurtés au véto des connaisseurs. Et cette sensibilité artistique aiguisée de l’auteure  se remarque ici dans la conception générale du poème qui a été construit  selon l’effet de suspense  engendré par la dualité : agresseur / agressé   qui a couvert presque la totalité du texte avant  qu’il ne se  clôture  à l’ultime vers par l’effet de surprise finale.

 

 

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