Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :6- Les poèmes de Solène de Lam:6 -11 : Tunnel sonné

Solène de Lam

 

Les camions de saveurs, me traversent au matin…

Tous emplis de beaux fruits, de bananes, de raisin

Venant en caravane, sans cesser de monter

Je les sens dépasser ma frontière enneigée

 

L’autre bout du tunnel voit passer même train

 Venant d’autres pays, pour m’apporter son grain

Dans ce grand va et vient, il ne croisera pas

Les autres chargements, mais il les entendra

 

Même si mon col est recouvert de neige

Mon tunnel est ouvert… et vais-je

Le fermer pour que les fruits se gâtent ?

 

Trop de camions passant feraient-ils ébouler

Les flancs de ma montagne et crier mes rochers ?

Si oui ? alors il faut que je m’éclate !

 

Notre jeune amie géographe parisienne qui est très pudique et modeste – et c’est pour cette raison qu’elle insiste à ce que je ne publie pas ici sa photo bien qu’elle soit d’une beauté remarquable – nous propose cette fois un poème dûment codifié et archiplein de symboles que seuls ses amis les plus  proches ont la chance d’en déchiffrer quelques uns. Mais bien que je saisisse les sens de la plupart de ces signes secrets, je n’en  dévoilerai que ceux qui sont « dévoilables » par respect à son intimité et sa vie privée. Ces symboles se répartissent sur deux niveaux : l’un tient lieu d’arrière-plan et l’autre constitue la forme ou la façade .Le premier est, expressément, un état d’engourdissement et de léthargie dans lequel serait plongée la locutrice  qui s’identifie à une terre couverte de neige   (ma frontière enneigée  – mon col est recouvert de neige ) et le second est apparemment un courant de jouissance intérieure qui envahit son inconscient et la traverse malgré elle de fond en comble. Et nous voila ainsi devant deux dichotomies majeures : externe/interne , conscient / inconscient qui font de ce poème une sorte d’autoportrait psychique .Et dès lors, les significations de certains symboles se dévoilent à nous aisément : le tunnel désigne d’une manière archétypale la psyché ou l’âme et  les camions et le train souligneraient l’origine externe de ce  courant de plaisir qui la submerge et tout particulièrement le train, du fait qu’il faut aller le prendre et qu’il n’attend pas, en plus, comme le dit la poétesse , de sa provenance d’un pays étranger. Quant aux fruits, ils symboliseraient le péché ( fruit interdit ) commis peut-être par obligation dans l’espoir de raviver des énergies intérieures complètement gelées mais aux dépens des convictions et des hautes valeurs auxquelles la locutrice est attachée .Et le résultat est un état affectif contradictoire , lamentablement passif et fortement marqué par un sentiment de culpabilité et une phobie de l’avenir( trop de camions passant feraient-ils ébouler les flancs de ma montagne et crier mes rochers ? Si oui ? Alors il faut que je m’éclate ! ) .

Un poème concis mais profond, empreint de sincérité et finement conçu .Mes encouragements Solène !

 

 

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