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Mohammed El Qoch

 

 

Tes hommes, presque nus, affaiblis,
Par tant de labeurs quotidiens
Errent, sans vie,
Cœurs balafrés,
Sous les lanternes éteintes
Tous ces fragments d’espoir qui les abandonnent
Sans lueurs, la nuit sculpte
Le silence complice
Ils se taisent et tâtonnent
Attendant le lever d’un jour inconnu

Toi, femme, la seule ressuscitée
Toi femme qui a fasciné le destin
Rejoins-moi à mi-chemin
Entre l’hiver et le printemps
Et laisse germer ce sourire
Qui s’affaisse et se dérobe
Sur les gradins de la détresse
Sur les marches de la vie

Ecoute les chants des hommes,
L’hymne de la liberté,
Fleurir sur les toits
Orner les villes endormies,
Dopées, épuisées, affadies

Viens, dansons, donne-moi ta main
C’est le dernier bal masqué
C’est la dernière symphonie de Mozart
C’est ton ultime chance, la nôtre,
Mettons ce radeau sur les flots houleux
Et plions bagage
La mer est notre seul refuge
Adieu terre mère, adieu l’oiseau…

 

Trois notions-clefs sont mises en œuvre dans ce poème :la première est romantique : la fuite de la ville inhumaine et suffocante (les villes endormies, dopées, épuisées, affadies où l’homme est asservi et bestialisé (tes hommes, presque nus, affaiblis, par tant de labeurs quotidiens errent, sans vie, cœurs balafrés, sous les lanternes éteintes tous ces fragments d’espoir qui les abandonnent ) vers la nature en tant que refuge sain et propre ou plus exactement comme un lieu de retour aux origines lointaines qui lui permet de se réconcilier avec soi-même du fait qu’il était , comme l’affirme Rousseau, « bon » avant que la société ne le déforme ,le corrompe et le pervertisse . La seconde est que cette fuite s’opère comme un sauvetage collectif au moyen d’une embarcation, ce qui n’est pas sans nous rappeler celui entrepris par Noé pour échapper avec sa famille et des couples d’animaux au déluge. D’autre part, l’incorporation de la femme dans l’opération de sauvetage en tant que compagne nécessaire, inspirée aussi de l’histoire de Noé, signifierait qu’aucun affranchissement de la misère qui sévit dans le monde n’est possible qu’avec le concours du sexe dit « faible ». Néanmoins, le choix de la mer et non de la forêt comme lieu de délivrance donne à la démarche imaginée par le poète une signification plus profonde, étant donné que la mer est le symbole de la mère originelle dans la matrice de laquelle naquit la vie .

Un poème symbolique bourré de significations pertinentes et que chaque lecteur interprète selon sa façon de voir les choses .Le style, quant à lui, est , comme toujours, bien travaillé et agréable à lire .

 

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