Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :4 -Les poèmes de Calli Mondésir :4 -13: Les houvaris de mon silence tordu

Calli Mondésir

 

Vous avez vu sur mon visage

Couler des fleuves…des flots

Et sur leurs vagues

Des flottes d’allégresse

Déflorent ses rivages

Et y déferlent jusqu’à diverger ses plis

Pour laisser éclore des gerbes de sourires

 

Vous avez vu dans ma parole

Dormir les mots

Et dans leur sommeil

Une odeur de mort s’exalte

O ! Oui leur domine

La fatigue d’être les porteurs

Des effluves de l’amertume

 

Vous avez vu mon monde

Suspendre son voyage

Et chaque lèvre s’entre-soude

Et chaque œil s’abrite

Derrière son rideau

 

Dans ce silence de sens et de parole

Pourtant mon âme crie

J’entends chaque bruit

Plaindre et gémir

Au milieu de cette machine à broyer les mots

 

Quand l’horde s’y dégaine

Le vent si sauvage…

S’abaisse et emporte sur son dos

Les parfums de ces fleurs noires

Qui encadrent mon cœur

 

Moi je veux que vos narines respirent

Qu’elles reniflent l’air pesant

De mon chant révolu

 

J’ai longtemps pleuré sur ma terre

J’ai longtemps pleuré sur mon cœur

J’ai longtemps pleuré

Parce que j’ai bu ces mers amères

Que la réalité a versées dans ma coupe de maux

 

Des épines et des herbes sauvages

Ont substitué les empreintes des larmes que j’ai versées

Mon cœur n’a connu ni jour ni soleil

Dans le silence je me regarde vivre mes heures

Dans les frontières de l’existence.

 

Bien qu’il  soit empreint du même ton plaintif et mélancolique que ceux que nous avions eu  l’occasion de lire de cet auteur , ce poème en diffère par l’absence de mise en rapport entre cet état d’âme et des causes métaphysiques ou des forces maléfiques comme il a l’habitude de faire.Tout y est , en effet ,  centré sur le ”  je ”  du locuteur et soi-même en tant que sujet descripteur et objet décrit . Ce qui constitue le summum du lyrisme romantique. Sur le plan sémantique , deux grands  axes se disputent  cette disposition affective : l’un paraissant interne et ayant la forme d’une tristesse profonde, permanente ,sans cause déterminée et que rien n’empêche d’être  de nature existentielle   (vous avez vu dans ma parole dormir les mots et dans leur sommeil une odeur de mort s’exaltée  – j’ai longtemps pleuré sur ma terre  / j’ai longtemps pleuré sur mon cœur / j’ai longtemps pleuré – j’ai bu ces mers amères que la réalité a versées dans ma coupe de maux – dans le silence je me regarde vivre mes heures dans les frontières de l’existence   … ) et l’autre est sa projection sur le silence  auquel le locuteur impute  la responsabilité de son mal (Les  houvaris de mon silence tordu – dans ce silence de sens et de parole pourtant mon âme cri j’entends chaque bruit plaindre et gémir au milieu de cette machine à broyer les mots ) .Alors qu’il n’en est rien, car cette sensation n’est, en réalité , qu’un moyen de détourner  momentanément le cours des affects angoissants ressentis vers une direction illusoire . Ce qui montre le caractère persistant de la mélancolie dont souffre le locuteur.

Sur le plan du style, le poète nous a gratifiés d’une série d’images attachantes comme celle-ci : (Vous avez vu sur mon visage couler des fleuves…des flots et sur leurs vagues des flottes d’allégresses déflorent ses rivages et y déferlent jusqu’à diverger ses plis pour laisser éclore des gerbes de sourires.)

 

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