Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :6 -Les poèmes de Calli Mondésir :4 -8 :Brèche dans le temps 31 mars 2018 Calli Mondésir On est d’un pas de l’avenir Le ciel contrit laisse entrevoir Des fuites de silence dans sa mine Un peu de paix qui démembre Les fauves carcasses d’un vécu moribond. Les braises des nuits incandescentes Les simulacres des puits de déboires se dégainent Décrépitude de la vieillesse Quand se profuse l’aube badine. On est d’un pas de l’avenir Le temps au temps de respirer un peu Ressentir au vide l’ardeur de sa trêve Car encore plus ample est l’à venir. On est d’un pas de l’avenir Un pont sépare l’instant et l’infini Place aux rêves et à leur sort Laisser passer les avalanches Les satires des illusions naïves Laisser passer les cascades de feu et de folles fougues L’avenir a besoin de pluies et d’espoir Pour habiter sa nudité. Il faut aussi un peu de place aux souvenirs Quoiqu’ils nous ont offusqués, Quoiqu’ils nous ont si bien O Dieu pétris D’odieuses habitudes Mais… Chaque souvenir est une bribe de nous Que le temps moissonne dans sa course. On est d’un pas de l’avenir Certains hardis, Certains confus de franchir les rives d’une nouvelle épisode. Nous sommes des fils du passé Et tous en nous portons Des taches de transes pour l’avenir Tant d’allégresses, Tant d’affolements, Tant d’illusions assaillant la mémoire Le choc des complaintes Invoque dans l’âme L’explosion de l’inconscience. Pourtant l’avenir est peut-être Juste une comédie du temps Où chaque instant est une ritournelle du passé. Il n’est rien d’étonnant que la tragédie séculaire vécue par la race noire dans le Nouveau Monde en général et à Haïti ,l’île natale du poète, en particulier, et portée à son plus haut point dans la conscience collective comme une injustice infligée par le destin, aboutisse à une réflexion sur la condition métaphysique de cette race, tel que nous le voyons dans ce poème où l’auteur , malgré son jeune âge , se livre à un questionnement douloureux sur la relation : homme / temps , passant ainsi du simple poète au philosophe . Appréhendée dans le cadre particulier de cette tragédie , la relation en question est perçue par l’auteur comme un calvaire permanent et incontournable imposé par le destin mais pendant lequel le noir a droit , de temps en temps , à une trêve ( des fuites de silences un peu de paix – se profuse l’aube badine – le temps au temps de respirer un peu – place aux rêves et à leur sort – l’avenir a besoin de pluies et d’espoir …) , pareille , en quelque sorte , à la brève récréation dont on fait jouir les prisonniers et qui ne dépasse guère le regard fugace sur l’avenir de la part d’êtres condamnés par la fatalité et sans avenir , une idée que le poète formule très clairement dans la strophe finale en ces termes (l’avenir est peut-être juste une comédie du temps où chaque instant est une ritournelle du passé ) . Ce que contredit , cependant , la croyance dure comme fer en l’avenir de l’homme noir qu’il a affichée dans d’autres poèmes . Ce qui montre qu’ils’agit ici d’un état d’âme passager dû à l’impasse dans laquelle se trouve l’intellectuel noir devant l’ampleur de sa tragédie et la précarité extrême de sa condition et non d’une conclusion consistante et définitive . 2018-03-31 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet