Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 3- Les poèmes et les récits de Patricia Laranco :3 -7 : Désolation 22 mars 2018 Patricia Laranco Les dents de la rouille hissent leurs odeurs de sel et les géométries croisent angles de métal ; au bout quelque part dans le mouillé du matin une langue de brumeterre enfin se perd… Les clowns raides et les marionnettes étoilées se cherchent un Palais des Glaces où ils pourront se mettre au garde-à-vous devant les éléphants dans l’obscurité lumineuse des miroirs. Ici et là des tiges de chair pareilles à des alfas se font courte échelle vers le ciel avec des grâces ma foi proches du frisson qui distordent et se répercutent sans répit. L’emprise des formes tend à se relâcher sur la matière qui incube par lambeaux ; l’on suggère peu à peu pas à pas des plis des lovements nacreux des tâches absentées absinthées qui ont de Fée Verte la couleur et la confusion des éléments prend le pas sur l’ordre en séries de phrases inachevées qui ondulent en dunes jusqu’à l’horizon. Les volumes ne sont plus faits que d’érosion, de sourdes dégringolades au centre du noir où leurs kystes bataillent entrechoquent leurs rangs en puisant dans la nuit la force de briller. Il y a deux sortes de visions cauchemardesques du monde : l’une est provoquée par les ravages perpétrés par les humains que plusieurs accusent de pêcher contre la nature et contre eux-mêmes et la seconde est structurale, car elle touche l’essence même de la matière dont est composé le monde. Et c’est de la deuxième dont il est question dans ce poème où chaque objet capté par l’œil de la locutrice ou même par l’un de ses autres sens est d’emblée dénué de toute qualité normale, de façon à y faire apparaître toutes les formes possibles de laideur qu’on peut résumer en trois mots :asymétrie , amorphie et difformité , ce qui suscite la répugnance, le dégout et même la peur : rouille , raideur , tiges de chair , lambeaux, érosion , kystes … etc . Reste à savoir ce qui se cache derrière cette vision qui fait abstraction totale de toute beauté dans l’univers. Il s’agit en général d’un choc violent avec le monde externe provoqué par une naissance traumatisante et douloureuse qui laisse certains nouveau-nés incapables toute leur vie de surmonter cette expérience extrêmement pénible . Et de cette inadaptation avec le nouvel environnement perçu comme un enfer naît un dégoût accompagné parfois d’un retour inconscient au paradis perdu qui est la matrice de la mère. Sur le plan stylistique, ce poème vaut surtout par l’accumulation, du début jusqu’à la fin, de connotations évoquant cette ” désolation “. 2018-03-22 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet