Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :2 -Les poèmes d’Alain Minod: 2-17 : Je dis « je» pour toi

Alain Minod:

ÉCRITURE ET POÉSIE

Je dis je pour toi

Je suis sur l’abscisse de mon désir

Saoul – je crible l’ordonnée

De ton absence

Des balles de

Tes cris

Et …

Me désordonne

En saisissant

Les creux de

Ton silence

En y halant le soleil

A minuit

Pour y laver tes sourires

 

A mi-lèvres de mes rêves

J’endurcis mon plaisir

En me penchant sur

Mon souvenir

J’y étanche

Ma soif

Avec

La densité qui coiffe

L’instant de ta beauté

Et j’y trempe

Ma bouche

Comme

A la souche

De ta peau ivre

De chauds baisers

 

Brassant encore

Tes sourires dans

Mes yeux

Je brise

Le hasard

De ton regard

Sur les mille lieues

A couvrir de la distance

Qui nous sépare

 

Ainsi tes paroles se nouent

Avec les stances roulées

D’un poème d’argile

Qui vient fuser

Aux sources

Fragiles de

Ton corps

 

Mais qui campe ainsi

Dans la fuite lâchée

De l’instant

Comme

Dans un port

Sans attache ?

 

Que m’arrive-t-il

De briguer tes rives

Où pleure ton océan

Comme pris dans les plaintes

De mon chant ?

 

Il est l’heure de friser

Les plis du jusant

Sur l’aube des

Marées

Avec l’orbe lumineux

Qui risquerait

De glisser en

L’oubli

 

Et je ramasserai les traces

Qui supplient le sable

De ne plus te hanter

De ma présence

Mais

Cette tension

Des flèches d’Eros

Vers l’infini des vagues

Qui te prennent pour cible –

N’élague pas l’arbre visible

De ton nid

 

N’étant pas le héros qui t’enchaîne

Je ne m’enchanterai plus

Qu’à sauter dans

Le grain de

Pluie que traîne l’orage

Et mon âge restera

Ouvert sur ton

Arc-en-ciel

 

C’était ton charme annoncé

C’était l’arme prisée

De ta demeure

Et …

Quand bien même

Je l’ai biffée

En bouffées

De je t’aime –

N’ayant à semer

Sur ton lointain chemin

Que les caresses soufflées

Par ma mémoire dans tes mains –

Je te laisse le soleil

Du plaisir que

Tu voulais

 

Maintenant – je me grise

Du dernier sceau

Sur cette lettre

Incendie

Et t’envoie ce baiser

D’une voix relevée

Pour que je ne

Me dédie

D’être encore baigné

Dans les eaux musardentes

De ton désir

 

A première vue, l’auteur de ce poème affectionne la langue soutenue et le style travaillé  et réfléchi  qui donnent l’impression  d’une tendance académique austère  et d’un purisme linguistique rigoureux . Et cela se remarque d’abord  au niveau  rhétorique où les images  sont soit puisées dans des champs sémantiques scientifiques (je suis sur l’abscisse de mon désir saoul – je crible l’ordonnée de ton absence des balles de tes cris – la densité qui coiffe l’instant de ta beauté – l’heure de friser les plis du jusant sur l’aube des marées avec l’orbe lumineux ) ,  soit nées de représentations abstraites et complexes (en saisissant les creux de ton silence en y halant le soleil à minuit pour y laver tes sourires- tes paroles se nouent avec les stances roulées d’un poème d’argile qui vient fuser aux sources fragiles de ton corps – je ne m’enchanterai plus qu’à sauter dans le grain de pluie que traîne l’orage et mon âge restera ouvert sur ton arc-en-ciel ) . Cet esprit académique avec lequel l’auteur traite l’écriture poétique s’est manifesté sur le plan lexical dans l’usage de mots peu usités tels que : Jusant – orbe-  stance – musarder …  Loin d’être considérés comme des défauts , ces aspects s’expliquent   plutôt par une sensibilité particulière inhérente à l’humeur de l’auteur .Et l’humeur  – accordons-nous bien ! – fait partie de la personnalité de l’individu .

Néanmoins , une question reste posée à la fin de ce commentaire hâtif : Puisque le poète s’adresse avec ce discours ultra-musclé à sa bien-aimée , y a-t-il  vraiment une femme même doctoresse et savante qui  pourrait être séduite par les abscisses et les ordonnées au lieu des roses et des mots séculairement niais mais doux comme ma biche , ma tourterelle , mon amour ?

 

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