Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :4 – Les poèmes de Calli Mondésir :4 -1: Liberté

Calli Mondésir

Liberté

Ö je t’appelle

Je t’interpelle

Et j’interprète

La musique de tous les cris

Pour que tes oreilles

Ne se contrastent pas

Avec mes râles désespérés

 

N’entends-tu pas

Les tchip tchip tchip

De la comète

Sur les faibles branchettes

Aux teints rougeâtres de l’acajou ?

 

Les cocoricos

Des coqs sauvages

Sur la sérénité

Des lueurs prémices ?

 

N’entends-tu pas

Les gloussements étouffés

Des pigeons voyageurs

Dans les buées

Touffues des nuages ?

Les sifflements

Des serpents à sonnettes

Au milieu de l’Amazonie ?

 

Les beuglements

Des taureaux

Dans les prés de la campagne ?

 

N’entends-tu pas

Les ronflants

Coa-coa-coa

Des grenouilles taureaux

Sur les nénuphars

Des eaux dormantes ?

Les zwen zwen zwen

Des « marengwen » 

Dans les judas

Entravés des ajoupas ?

 

C’est moi

Qui t’appelle ô liberté

Car j’ai grand soif

Et j’engloutirai

L’océan abritant tes versants

 

J’abandonnerai

Mon âme

Saoule

Au fonds de tes coupes

 

Je me perdrai

Dans les délices de tes lèvres

Comme une flèche

Dans le cœur d’une étoile

 

Quand j’aurai

A dépeigner tes cheveux

A l’ombre

Des brises de mer

Quand j’aurai

A enlever

Les jupons frangés

De tes robes de reines

A te voir fondre

Nue entre mes mains

Sur les plages

De mon île esclave

 

Je me réjouirai

Oui je me réjouirai

Quand toi et moi

Mains entrelacées

Fous sourires

Cœurs jubilants

Allumerons

Les torches

Sur le visage de la nuit

 

Je me rejouerai

Quand

Les chaines

De mon âme

Seront brisées

 

Et je regarderai le ciel

Pour crier 

SÉSAME OUVRES-TOI

 

Qui m’arrêtera

De marcher

Sur les allées infinies

Des océans?

 

De voler

Et m’abriter

Sous les rémiges

Des nuages

 

 

Qui m’arrêtera

De jouer

A cache-cache

Avec les oiseaux

 

Qui m’arrêtera

De dresser

Ma maison

Loin des silhouettes

De vomisseurs de flammes ?

D’oiseaux chasseurs

Et de saisons

Gobeuses de beau temps

 

Qui m’arrêtera

De dresser

Ma maison

Là où

La terre n’est plus sableuse

 

Où les chevaux

Trouveront

De l’herbe à brouter

Et où les bois

Ne seront

Plus d’abris d’hyènes et de loups

 

Ö liberté

Mes lèvres ont soif

De savourer tes félicités

Mon cœur est empressé

Et ses battements

Dans mon âme

Résonnent

Comme les pim

Et pam des tambours

Rythmant la cadence

Des «Konbit » 

 

Ö si tu savais

Comme je désire

Y déposer mes doigts fragile

 

Ö liberté viens…viens…viens

 

Ö liberté

Mon unique espérance.

 

Dans ce poème , nous avons  affaire à une expérience poétique  profondément ancrée dans le réel vécu et qui n’est pas née d’un désir brusque  et opportuniste de faire la vedette , en enfourchant une révolution sur laquelle on n’a jamais écrit un mot avant son déclenchement et sans posséder les moyens de briller réellement . Ce poète noir de Haïti  s’est voué  corps et âme à la cause son peuple et de sa race et vit leur condition tragique de tout son être , en en faisant le pivot essentiel de son action littéraire . Et c’est  pour cette raison que lorsqu’il parle de liberté  , comme dans ce poème-ci , c’est du tréfonds de son esprit et de son âme que ses mots jaillissent  tel que nous le constatons à travers ce rythme interne endiablé qui remue le discours du locuteur  de fond en comble  et que le poète  a créé et instauré par  l’utilisation massive des onomatopées (tchip tchip tchip – gloussements – sifflements – beuglements – zwen zwen zwen… ) , l’accumulation  d’appels et de questions adressés à cor et à cri à la Liberté ,  l’énumération de toute une série de rêves et de souhaits  et  par l’usage de structures syntaxiques identiques ou proches  (je t’appelle/ je t’interpelle /j’interprète – n’entends-tu pas les tchip tchip tchip/ n’entends-tu pas les gloussements étouffés des pigeons voyageurs / n’entends-tu pas les ronflants coa-coa-coa des grenouilles taureaux…- je me réjouirai quand toi et moi / je me rejouerai quand les chaines / qui m’arrêter de marcher qui m’arrêtera de jouer/ qui m’arrêtera de dresser  ) …. D’autre part , notons l’usage de mots du créole local (  Konbit  – ajoupa – marengwen  -… ) qui a conféré au  poème un cachet réellement spécifique . Enfin , si le sujet de la liberté est très commun et a été abordé dans un nombre indéfini de poèmes dans toutes les cultures , son importance capitale de par le haut idéal humain qu’il représente  le rend toujours d’actualité et intemporel dans toutes les contrées du monde . Un bon poème Calli .Bravo !

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